Chronique du 5 avril 1999

Dimanche de Pâques, jour de résurrection. RFO, pour agrémenter son journal télévisé, consacre son sujet local au projet de parcours pédestre initié par la Commission municipale des Fêtes et des Loisirs de la Ville de Saint-Pierre. La caméra passe en revue les sujets prioritairement retenus pour l’année 1999 : les grands incendies, l’affaire Néel et le parcours patriotique, autrement dit, pour ce dernier, les quelques mètres de tranchées résiduels de ce qu’était le fort Lorraine d’où les Forces Françaises Libres attendaient l’ennemi pendant la seconde guerre mondiale.

Détail intéressant : les deux personnes interviewées représentent l’opposition à l’équipe municipale au pouvoir, Guy Lelorieux du mouvement politique Archipel Demain et Rodrigue Girardin, membre du RPR, mais surtout archiviste originaire des îles et passionné par sa mission.
Faut-il donc évoquer les périls du passé pour susciter l’union sacrée, alors que les uns et les autres se réfugient dans leurs camps retranchés lorsqu’il s’agit de faire face aux périls de l’avenir ? N’y aurait-il pas quelque fort Lorraine de la pensée à construire pour se retrouver un peu plus solidaires ?
Ne serait-il pas possible de redynamiser au présent ce que le Maire de Saint-Pierre immobilise au passé dans sa « réflexion toute personnelle » en guise de conclusion à son éditorial intitulé « Ouvrez les yeux ! » dans le numéro 753 de l’Echo des Caps : « une simple dose de bon sens additionnée d’une pincée de bonne volonté de la part des gens qui nous gouvernent aurait permis de régler nos problèmes ensemble sans en passer par l’arbitrage de l’Etat ».
Question subsidiaire : le Maire de la Commune de Saint-Pierre ne fait-il pas lui aussi partie « des gens qui nous gouvernent » ?

L’histoire s’écrit avec les hommes. Clinton, Chirac, Blair, Schroeder, Milosevic et consorts ne laissent-ils pas leur empreinte sur les chemins de l’exode des Kosovars ? En aurait-il été de même avec d’autres noms, d’autres étoffes ? Sur quels débris, sur quelles tranchées scellera-t-on demain l’unité retrouvée ?

Et cette unité sera-t-elle à son tour un jeu de miroirs pour masquer les divisions qui se perpétueront ?

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
5 avril 1999