Chronique du 5 mai 1999

BONNET

« Diminutif de bonneteau. Jeu se pratiquant avec trois cartes : deux noires, une rouge ou vice versa. La table n’est, en général, qu’un parapluie ouvert et posé sur le sol.

EXEMPLE – La Glace était tellement gonflé qu’il aurait tout aussi bien tapé le bonnet à la décarrade de l’Elysée, pour engourdir la fraîche du chef de l’Etat.

Note. – Voici ce que dit Vidocq de celui qui pratique ce jeu : « Tient dans les campagnes des jeux de cartes auxquels on ne gagne jamais. »
L’ancien forçat n’avait pas tort. Gagner à ce jeu est aussi difficile que de visiter la Lune en spoutnik. Et encore, on ira peut-être casser la croûte sur la Lune qu’on ne gagnera pas au bonnet ! »

Extrait d’Auguste Le Breton, Langue verte et noirs desseins, Presses Pocket, 1960.

Il est de ces auteurs qui ont le sens de la prémonition ; il est même un préfet qui aurait gagné à pratiquer un bon sens populaire, ndlr

BONNETEAU

« Attrape-nigauds »
Jean Delacour, Dictionnaire des mots d’Esprit, Albin Michel, 1976

BONNET DE COTON

« C’est devenu le symbole du bourgeois borné, au XIXe s. Syn. Bonnet à mèche et bonnet de nuit (ci-dessous) »

Les usuels du Robert, Dictionnaire des Expressions et locutions, p. 100

BONNET DE NUIT

« Se dit depuis le XVIe, du couvre-chef qui protégeait du froid pendant la nuit, appelé aussi bonnet de coton. »
id. p. 100

COUP DE BONNET
« La phrase proverbiale je m’en moque comme un âne d’un coup de bonnet ne s’emploie plus ; elle fait allusion au bonnet à mèche, constituant un fouet de fortune plus efficace. »

id., p. 101

CASSER LE BONNET A QQN
« importuner, ennuyer »
S’est-on jamais assez foutu de c’vieux pétard, quand il en f’sait un saladier à propos de son trésor, et qu’i nous t’nait la jambe et nous cassait l’bonnet avec ça ( (H. Barbusse, le Feu, t. II, p. 8) »

Id., p. 101

JETER SON BONNET PAR-DESSUS LES MOULINS

« « S’est employé au sens de « s’arrêter dans un récit, admettre qu’on n’en sait rien de plus.

Voilà ce que Moreuil m’a dit, espérant que je le vous manderais : je jette mon bonnet par-dessus les moulins, et je ne sais rien du reste. (Sévigné, 47, in Littré) »

Acception réactualisée par un premier ministre en 1999. ndrl

Dans son sens actuel, jeter son bonnet par-dessus les moulins peut être rapproché de jeter le froc aux orties. Le bonnet y représente symboliquement la bonne conduite, le sémantisme est celui de la « tête (métonymie) en l’air ».

  Ah ! monsieur le chef de la Sûreté, on en est loin du repentir d’autrefois !

  On a jeté le bonnet et le reste par-dessus tous les moulins du monde ! (Goron, L’Amour à Paris, t. I, p. 216)

id., p. 101

Y JETER SON BONNET

« se reconnaître incapable de résoudre une difficulté » (LA Fontaine). Correspond pour le sens à DONNER SA LANGUE AU CHAT, Y PERDRE SON LATIN. C’est proprement « y abandonner sa qualité de savant, de docteur », que représente le bonnet. Au XVIIe s., quitter le bonnet s’employait pour « cesser d’être clerc, prêtre », et correspondait à quitter la soutane. »

id., p. 101

Et à l’aube du XXIe siècle ? ndlr

C’EST BONNET BLANC ET BLANC BONNET

« c’est exactement pareil » (XVIe s.) – Cette expression manifeste un mépris caractéristique pour la forme, en exaltant l’identité des contenus. Pour l’écrivain et le poète, pour le linguiste aussi, bonnet blanc et blanc bonnet ne sont pas identiques. »

id. p. 102

A ce stade, je n’en puis plus, je ferme mon dictionnaire. Je sens que je vais parler à mon bonnet. ndlr

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
5 mai 1999