Chronique du 10 juillet 1999 (2)

C’est en rentrant du Feu de Braise, restaurant local que je te conseille, car il ne pratique pas la flambée des prix, et dont je brûle de te raconter l’histoire, que l’idée m’est venue de me pencher sur le cas Bonnet, préfet flambeur de Corse, à propos duquel, tu en conviendras, je n’ai pas voulu te parler à chaud pour éviter de te prendre à froid.

Je ne reviens pas sur l’affaire elle-même : une paillote-restaurant qui flambe, des gendarmes qui se prennent les arpions dans la mêche et qui se font alpaguer comme de vulgaires pyromanes, et un préfet qui en fait tout un plat parce qu’on l’envoie refroidir dans une chambre froide de la Santé, célèbre prison trois-fourchettes de la République.

Depuis, le préfet est ressorti et chaque jour de marché apporte son lot de recettes de dessous les fagots pour dire : « c’est pas moi, c’est l’autre, le commis ; c’est le gendarme qui a pris mes désirs pour des ordres (ça fait désordre), etc, etc.

Bref ce couillon de gendarme spécialisé dans les coups fourrés – à ne pas confondre avec les petits fours -, qui a cru le préfet Bonnet tôt, trop tôt et mal. Car, croyant son cher Bonnet tôt, il a pu pécher par précipitation, surtout si à cause du vent, une paille s’était logée dans l’esgourde.

Ainsi aura-t-il croire faire partie d’un bonneteau, qui, ô lecteur féru d’étymologie, s’il a pu signifier au XVIIIe siècle, « petit bonnet », a pris le sens au XIXe de « jeu de filous. » Je vois que tu opines du bonnet (il fallait bien que je te la serve, surtout que tu peux la resservir, mais n’en fais pas tout un plat).

Et qui tient un jeu de bonneteau, je te le demande ? Tu as raison – j’opine à mon tour -, un bonneteur, c’est-à-dire (merci Robert) un « filou qui attire ses victimes à force de civilités ».

Bref, pour en sortir, je crois que le préfet en question – non le supplice en question n’est plus à l’ordre du jour, merci la République -, affublé d’un tel blaze, ne peut que se sentir piégé. Aussi pourrions-nous lui conseiller de se retourner contre son père, puisqu’il faut bien que quelqu’un porte le bonnet d’âne, à défaut de chapeau.

Car ce n’est pas pour rien que la pucelle d’Orléans s’appelait Jeanne d’Arc, pour dessouder l’Angliche. Et que la soudure à l’arc – précision technique, que tu soudes ou dessoudes, il faut chauffer -, ça peut mettre le feu, si l’on n’y prend garde.

Comme quoi il est toujours bon de savoir à qui l’on cause et surtout qui l’on écoute. Surtout si on entend des voix.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
10 juillet 1999