Chronique du 10 juillet 1999

Première épître aux petits saints, aux saintes-nitouches, aux Saint-Pierrais et Miquelonnais

Adresse et salutation. Action de grâces.

1. Gérard, appelé à être apôtre de Bayrou par ta volonté de circonstance, ainsi que Bernard, frère couillonné de Gérard, ou vice-versa, suivant le parti pris, Victor à qui le RPR déliquescent sied, Marc, qui as le poids (pas le pois, ce serait la fin des haricots) du maillot municipal, depuis qu’Albert, ton idole édile, est tombé du tandem en roulant tête baissée vers le Sénat, Yannick, casse-tête à l’effervescence radicale, vous tous qui avez été appelés à être saints parmi les saintes-nitouches que nous sommes, vous qui savez nous prier, nous flatter, nous caresser, nous reluire, nous brosser, nous pomper, nous damer le pion, nous trouver le fion, vous les élus de la litote, les serviteurs de la parlote, à vous grâce et paix par notre Seigneur Jésus Maschiah (t’en fais pas, ô lecteur, c’est de l’hébreu).

En lui, vous avez été comblés de toutes les richesses, toutes celles de la parole et de la science apparente, à raison même de l’élan intempestif de tous ces fidèles à la pomme d’Adam, qui pour se racheter n’hésitèrent pas à glisser votre nom dans l’urne. Aussi ne manquez-vous d’aucun don de l’état de grâce dans lequel nous vous plaçâmes, pour que vous soyez irréprochables le jour du jugement dernier (on peut se faire avoir, mais pas deux fois, que diable !), quand nous vous rappellerons à passer à table, forts de cette charité qui veut que, bougres d’ânes que nous sommes, nous soyons à nouveau à votre écoute au point de vous donner du son.

I. Divisions et scandales

I. Les partis dans l’Archipel.

Les divisions entre fidèles.

Je vous en conjure, frères, par le nom de Saint-Pierre qui fit une O.P.A sur votre oothèque, cessez de vous comporter en mantes religieuses, en blattes, en phasmes, en forficules, ayez tous même sentiment ; qu’il n’y ait point parmi vous de divisions ; soyez bien unis dans le même esprit et dans la même pensée, même si sur ce dernier point cela peut être dur, faute de matière. J’entends par là que chacun de vous dit : « Moi, je suis pour moi », et l’autre de même, et ainsi de suite, et cetera. Je capte même que vous ajoutez, d’accord pour une fois, mais n’osant pas vous l’avouer : « Qu’est-ce qu’il vient nous faire chier, celui-là ? » Preuve, s’il en était besoin, que nous sommes tous de Saint-Pierre, puisque soudain vous ne vous sentez plus tout seuls, repliés sur votre nombril qui vous renvoie à votre destin ombilical sorti de l’urne. Je rends grâces de n’être aucun d’entre vous, hormis le marsupiau niquedouille désireux qu’on ne lui fasse plus la nique une fois sorti de l’isoloir. Ah merde ! C’est vrai qu’un jour ou l’autre j’ai voté pour vous, car vous fûtes partout, même là où l’on ne vous attendait pas. Je ne sache point avoir voté pour quelqu’un d’autre que vous. Mais il n’y avait que vous.

Sagesse du monde et sagesse insulaire

Car, khristos (t’en fais pas, c’est du grec), je ne suis pas venu sur terre un jour de Pâques (25 mars 1951, tu peux vérifier), pour vous élire, sans recourir à un moment à la sagesse qui consiste à se rendre compte que vous m’avez baisé, réduisant ainsi mes illusions virginales insulaires. Votre langue de bois est en effet folie pour ceux qui finissent en copeaux, mais pour ceux qui bétonnent, ils se trouvent de toutes façons devant un sacré mur, au point de vous amener à rester sages, au lieu d’aller voter. Mais c’est là que ça se corse car il est écrit (parole de Ma chiasse, c’est français, après décomposition) : « Je détruirai la sagesse des sages, j’anéantirai l’intelligence des intelligents. » Et Ma Chiasse a raison puisqu’à vous écouter, on voit bien, quel enfer ! que c’est irrémédiable. « Où est-il le sage ? Où est-il l’homme cultivé ? » Ils ne peuvent être ailleurs, puisque vous prétendez être l’un et l’autre, tout en un à la fois chaque fois. Et tandis que le monde, pour qui Saint-Pierre est peau de balle, s’enferre dans une merde pas possible au point de faire appel à l’OTAN, à l’ONU, à Clinton à la quête dure, (je n’ai pas dit quéquette), c’est par la folie de votre message que Saint-Pierre a cru se sauver de la mouise. Oui, tandis que les autres s’obstinent à se battre pour un lopin de terre, pour des frontières qu’ils n’ont même pas cherchées, dont ils ont hérité de parents aveugles, parce que descendants des capétiens, des vandales, des ostrogoths, de Mao, de Tito, de Pino (chet), de Milo (sevic), de paranos (en tous genres), au point qu’on finit par se dire qu’ils sont tous cons, on se prend pour des saints, fidèles à vos croyances, puisque nous sommes tous vos appelés, mais pas vos élus, puisque les élus, c’est vous.

Aussi bien, mes frères, considérez votre quête. Il n’y a pas beaucoup de sages, puisque les sages, c’est vous, ni beaucoup de puissants, puisque les faibles, c’est nous, ni beaucoup de gens bien nés, puisqu’à vous entendre, vous êtes les seuls à être sortis de la cuisse qui vous donna des ailes. Mais méfiez-vous quand même, car ce qu’il y a de faible dans le monde, voilà ce que, christus (c’est du latin, ô lecteur oublieux de tes mornes offices dominicaux), Saint-Pierre peut choisir pour confondre la force (à ne pas confondre avec confondre). Car n’oubliez pas que c’est par Saint-Pierre que vous devîntes, afin que vous puissiez vous sanctifier comme il est écrit : « celui qui se glorifie se glorifiera par Saint-Pierre. »

2. Pour moi, frères concupiscents à force de nous flatter la couenne, je ne suis pas là pour vous dire ce que Saint-Pierre peut attendre de vous, car peut-on attendre quelque chose de vous ? Je suis là pour dire qu’après vous il n’y a aura pas le déluge – même si un préfet de la république a cru un jour à un raz-de-marée -, et que Saint-Pierre s’en remettra sans doute. Moi-même, j’étais devant vous tout craintif, tout tremblant, au point de me cacher avant de déposer ma voix dans l’urne, avant de la perdre, au point de ne plus pouvoir parler. C’était une démonstration de l’impuissance que je récoltais pour vous avoir donné avec les craintifs, les tremblants, les patriotes cons, la puissance dont immédiatement vous vous glorifiiez. Mais comme il est écrit : « c’est pas parce que tu l’as dans l’œil que tu l’as dans l’cul », même s’il est vrai que t’as vraiment le sentiment, quelque temps après les élections, de l’avoir eu dans l’prose à l’œil, n’oublie pas qu’on peut tous se mettre un jour à penser, qu’on peut se mettre à tout scruter, jusqu’aux scrutins, pour l’avoir plus ouvert, la fois prochaine (je ne parle pas du fion, célèbre gâteau rendu célèbre par le tour de France 1999). Qui sait ce que nous sommes capables de faire, voire de défaire le jour où il faudra quelque chose ? Or, si les Kosovars ont la chance désormais d’avoir Kouchner, notre ministre vermifuge, pour les administrer, on peut tout aussi bien vous administrer à notre tour – quoi, on se le demande -, tant est grande la sagesse, en fin de compte, de Saint-Pierre (même si, ô lecteur, ce n’est pas évident, tu en conviendras). Car, que vous le vouliez ou non, nous sommes bien de ces îles, donc, par définition, qualifiés insulaires.

3. Pour moi, frères, je n’ai pu vous parler comme à des hommes spirituels, car je sais que vous l’avez vite amère, quand ma prose houleuse commence à faire trop de vagues, mais comme à des êtres en chair et en os, car vous pouvez avoir tendance à l’oublier. Et ce que je vous donne à boire aujourd’hui, c’est du p’tit lait, parce que j’ai en réserve un tord-boyaux qui fait qu’on se tordra tous de rire quand on vous en servira une tasse gratuite. Car vous êtes bien en chair et en os, hommes de peu de foi – je laisse le foie de côté -, quand ayant les foies, on vous voit vous étriper, vous étriller, vous écorcher, vous rentrer dans le lard. Quand vous dites « Moi c’est moi », n’êtes-vous pas humains ?

Le vrai rôle de l’emmerdeur

Qu’est-ce donc que ceux qui votent pour vous ? Et qu’est-ce qu’un emmerdeur ? Des serviteurs qui vous cirent les pompes en espérant que vous leur repasserez la brosse à reluire, pour ne pas perdre leur office. Ils vous reconnaissent, vous les reconnaissez, ils vous en sont reconnaissants, et tout le monde le reconnaît, vous vous sentez pousser des ailes, anges au service de tous ces bons diables qui n’ont pas vu qu’on les berne à un train d’enfer.
Selon la grâce d’être né un jour de Pâques à Saint-Pierre (c’est pas une connerie), je me suis dit que marqué ainsi d’un tel signe rédempteur, je pouvais m’asseoir sur mon propre fondement, pour réfléchir à la manière dont vous pouviez chercher un siège à seule fin d’héberger votre couple fessier (parce que, on a beau se contenter d’un cul, il nous faut au moins deux fesses), sans oublier l’enceinte convoitée pour vous reproduire. Que si sur vos nobles fondements, on croit bâtir avec de l’or noir, des francs, des euros, des subventions, du foin, de la paille (car on finit toujours par l’avoir dans l’œil), l’œuvre de chacun d’entre vous deviendra manifeste. Si, à force de rester assis sur votre derme, voire votre épiderme, il en est au moins un qui vous botte le fion (le vrai), son auteur recevra une récompense, celle d’avoir semé sa merde par les voies naturelles, ce qui pour un emmerdeur relève de sa compétence.

Ainsi donc serez-vous, frères, amenés à lever une main pour vous pincer les lobes du blaire – pas du cerveau, ce serait impossible, ni même des oreilles, car t’as déjà vu quelqu’un avec un sens olfactif par le canal auditif ?- et qu’avec un peu de chance vous serez peut-être amenés à crier « Pouce ! »

Conclusions

Que nul ne s’abuse ! Si quelqu’un parmi vous, frères, veut péter plus haut que son fondement, qu’il se méfie de n’avoir flousé plus qu’il n’était de mise, car il est écrit : « il ne faut pas poéter plus haut que ses possibilités », ça ne vaut pas un pet de lapin. Tout est à vous, certes, mais tout c’est nous, et nous aussi, on peut tout.

4. Qu’on nous regarde donc comme des serviteurs de Saint-Pierre (et Miquelon) (ça vaut bien la sainte Trinité). Or tout ce qu’on demande à des serviteurs, c’est de ne pas laisser tomber la soupière ; c’est con quand la soupe est bonne. Mais qu’on nous dise ce qui se passe dans la cuisine, la composition des amuse-gueule, les sauces et les ingrédients. Que chacun se mette à table en connaissance de cause, sans avoir à reluquer dans l’assiette du voisin pour savoir s’il n’y a pas du caviar caché, ou de la dioxine belge.

En tout cela, frères, j’ai voulu que vous appreniez la maxime : « Rien au-delà de ce qui est écrit », car les paroles s’envolent et les écrits restent. Tenez-nous donc au courant de vos débats en coulisses, de vos tractations, de vos alliances, de vos désalliances, de vos ambitions, de vos éclats -on aime aussi ce qui brille -, mais dites-le avec des mots simples, que tout le monde comprendra, pas comme Saint-Paul dans sa première épître aux Corinthiens, dont tout le monde se dit « Qu’est-ce qu’il a voulu dire ? »

Admonestations

Ce n’est pas pour vous emmerder que j’écris tout cela ! Euh… oui, un peu, quand même.
Attention au carré de l’hypoténuse quand on veut trop arrondir les angles.
« Que préférez-vous ? Que je vienne chez vous avec une verge ou bien avec charité et en esprit de douceur » (épître de Clinton à Monica, un soir de lassitude politique).

II. LE CAS D’INCESTE

5. Saint-Pierre vous a enfantés, élevés, nourris, d’accord ? – ce qui pour un homme, vous en conviendrez, relève de l’exploit. Vous en êtes les enfants, mes frères. Miquelon a comme un nom de femme mariée avec Saint-Pierre. Ce qui me gêne, c’est que l’un d’entre vous est impudique au point de vivre avec la femme de son père !

Ah ! Hommes de peu de foi, n’est-ce pas un péché que cela ? Qui d’entre vous aura osé coucher avec Miquelon en faisant fi des affres de Saint-Pierre ? Il faut bien qu’au nom du sauveur (dont le nom est pour l’instant et pour les siècles des siècles, indéterminé), nous nous assemblions, rassemblions, nous les trublions, pour que l’esprit soit sauvé au Jour du Seigneur (le Jugement dernier peut tous nous concerner, après tout).

Ah ! Je vois que derrière les croûtes, les miches se lèvent. Ne savez-vous pas qu’un peu de levain fait lever toute la pâte ? Purifiez-vous du vieux levain pour être une pâte nouvelle, puisque vous êtes des azymes gloutons. Car le jour de Pâques (celui où je suis né), Jésus n’a pas joué la comédie de la résurrection pour du beurre (à mettre sur le pain, pour faire de bonnes tartines). Célébrons donc cette divine aubaine (il y a toujours des réductions, même à une époque où l’on contrôle tout, même les rabais), non pas avec du vieux levain, ni un levain de malice, voire de perversité, dont vous êtes coutumiers, mais avec des azymes à pain blanc.

En vous écrivant, dans ma lettre, de n’avoir pas de relations avec des impudiques -il en est qui se vendent corps et âme -, je n’entendais pas d’une manière absolue les impudiques de ce monde, ou bien les cupides et les rapaces, ou les idolâtres ; car il faudrait alors sortir du monde et même se casser de l’Archipel (couple formé par Saint-Pierre et Miquelon). Non, je vous ai écrit de n’avoir pas de relations avec celui qui, tout en portant le nom de frère, serait impudique, cupide ou rapace, et même avec un tel homme de ne point prendre de repas. Enlevez le pervers au milieu de vous. Mais attention un pervers peut en cacher un autre. Et chacun peut être tenté par la perversité, la tentation est si forte quand la mariée est belle.

III. L’APPEL AUX TRIBUNAUX PAIENS

J’ai remarqué, frères inconstants, que dès que l’un de vous a un différend avec un autre, ça se termine souvent devant un tribunal, plutôt que d’attendre de passer devant le vrai jury, le jury populaire d’un jour d’élection. Ne savez-vous donc pas que là résident les vrais rendez-vous ? Ne savez-vous pas que nous autres, pauvres diables, nous pouvons juger les anges ? A plus forte raison ceux que vous n’êtes pas ! Et quand vous avez des litiges, vous allez prendre des juges qui sont capables de relâcher un Bernard Bonnet pendant que des chapardeurs de second ordre croupissent dans les geôles de la république ! Je le dis à votre honte. Ainsi il n’y a parmi vous aucun homme sage qui puisse servir d’arbitre entre ses frères. On va en justice frère contre frère, et cela devant des gens qui ne sont pas d’ici ! De toute façon, certes, c’est déjà une défaite que d’avoir entre vous des procès. Pourquoi ne pas souffrir plutôt l’injustice ? Pourquoi ne pas vous laisser plutôt dépouiller ? Mais non, c’est vous qui pratiquez l’injustice et dépouillez les autres ; et ce sont des frères ! Et bons princes vous voulez qu’une fois à poil ils attrapent une veste, histoire d’aller se rhabiller !

Ne savez-vous qu’à votre tour vous pourrez vous trouver à loilpé ?

IV. La fornication

Tu peux te croire tout permis, mais ne me la mets pas dans l’cul. Il est des domaines réservés. Tu me fais la nique peut-être, mais ne me fornique pas ; j’ai ma petite fierté, mon petit idéal, mon petit for intérieur. J’ai beau avoir des envies, parfois, je ne mange pas de ce pain là.

II. SOLUTION DE DIVERS PROBLEMES

I. MARIAGE ET VIRGINITE

Que vous nous aimiez, cela nous flatte. Mais ne nous prenez pas de force. Quant à mes congénères, s’ils veulent céder à la tentation du mariage avec l’un d’entre vous, s’ils ne peuvent pas se contenir, qu’ils se marient. Mais ne leur faites pas un enfant dans le dos. Car cela fait toujours mal. Si quelqu’un a un doute, qu’il conserve sa virginité le plus longtemps possible. Une fois qu’elle est perdue, on ne peut plus se la refaire, même à l’époque des implants, ma mère. En tout cas, une fois le mariage consumé, s’il vous brûle, n’hésitez pas à vous séparer. Il vaut mieux être divorcé que cocu. En aucun cas ne te laisse circoncire, car il est des valeurs irremplaçables. Quand on se rend compte qu’on a été pris pour un gland, on aime bien se toucher le prépuce, histoire de vérifier si l’on peut rebondir.

Bref, préserve ta jouissance. Et privilégie-la car le temps se fait court. Pas la peine par conséquent de s’attarder à des simulations copulatoires, à la Clinton, le Godmiché.

II. LES IDOLES

L’aspect théorique

8. Pour ce qui est des sacrifices faites aux idoles, on a un jour ou l’autre donné. Après tout, on peut avoir ses petites faiblesses. Mais l’important est de savoir qu’une idole n’est rien dans le monde, encore moins à Saint-Pierre, inconnu du monde. Car s’ils parlent tous de Saint-Pierre pour qu’on les porte aux nues, nos îles les ont précédés et leur survivront.

Le point de vue de celui qui s’est fait avoir

Une idole t’en cache toujours une autre. Mais si tu ne le sais pas. Et quand tu en choisis une deuxième, tu oublies la première, que tu ne vois plus. Et quand tu choisis une troisième, tu imagines le résultat. Et ainsi de suite, jusqu’à épuisement des idoles. Et les idoles, elles sont déçues quand elles n’ont plus leurs admirateurs. Alors, ne leur donne pas de mauvaises habitudes.

Exemple perso

9. Ne suis-je pas libre ? N’ai-je pas le droit de prendre mon pied là où il se pose ? Ne puis-je pas battre la campagne à mes frais ? Ne puis-je pas faire mon bœuf en-dehors du troupeau ? Moïse n’a-t-il pas dit « Tu ne muselleras pas le bœuf qui foule le grain » ? Et celui qui se défoule ? Je peux me présenter là où je veux, quand je veux, avec qui je veux.

Mais attention, je n’écris pas cela pour en profiter à mon tour ; plutôt mourir que de… Non personne ne me privera de ma jouissance mutine !

Ne savez-vous pas que dans les courses, tous courent, mais un seul remporte le prix. Courez donc de manière à le remporter, si vous voulez. Inscrivez-vous en prime aux 25 kms de Miquelon, si ça vous chante. Moi, je préfère les parcours buissonniers.

Le point de vue de la prudence

Nos pères se sont fait avoir, eux aussi. Mais on ne tire jamais la leçon de l’expérience, car l’expérience n’est pas congénitale.

Ne point pactiser avec l’idolâtrie

C’est pas parce qu’on te fait prendre des vessies pour des lanternes que tu dois te priver de lumière ou avoir peur de l’ombre. Mais attention aux « Allumeurs de quinquets qui voudraient être acteurs » (Alfred de Musset). Allume tes quinquets et retiens ton souffle.

Les idoles – Solutions pratiques

Mangez tout ce qui se vend au marché, mais n’hésitez pas à aller aux toilettes. Et surtout, n’oubliez pas la chasse (d’eau). N’oublie pas la chasse non plus, surtout celle aux alouettes. Mais si t’as pas faim, ne te force pas.

Conclusion

Soit donc que vous mangiez, soit donc que vous buviez, soit donc que vous comptiez fleurette, soit donc que vous troussiez la soubrette, ou que vous caressiez le chêne (si vous êtes une femme), offrez-vous le super-panard, mais n’oubliez pas votre prochain, qui, comme vous-même, cherche aussi sa voie. Evite les plaisirs solitaires. Mais ne le dévoie pas, respecte-le, même s’il entend des voix.

III. LE BON ORDRE DANS LES ASSEMBLEES

La tenue des femmes

Le plus femme possible. Mais si l’une d’entre elles a une maladie honteuse, qu’elle ne se rabaisse pas. Si l’autre n’en a pas, qu’elle se dise que tout peut arriver. Car la souillure de l’élue vient souvent du candidat.

En tout cas, qu’elle s’habille comme elle veut, ou qu’elle découvre tout ce qu’elle désire, dédaignant en cela les préceptes de ce con de Paul, l’apôtre, qui aurait pu faire plus court en écrivant sa première épître aux Corinthiens, surtout pour écrire des conneries du genre : « La femme doit avoir sur la tête un signe de sujétion ». Tu te vois te payant une nonne ?

Cocktails et repas

Si t’as faim, mange, si t’as soif bois et ne te préoccupe pas de qui va payer. Ce n’est pas un conseil, mais un constat.

Les dons spirituels

Très rares dans ces milieux.

Diversité des dons spirituels

Difficile de varier ce qui est rare.

Comparaison du corps

Je parle du corps social. Difficile d’avoir des relations sans contracter aujourd’hui des virus mutants. Doit-on pour autant se mettre sous cloche ? Doit-on avoir peur des autres au point de se sentir isolés dans la différence ? En quoi seraient-ils meilleurs ces frères élus ? En quoi seraient-ils faiseurs de miracles, pourvus du don de guérir, d’assister, de gouverner ? De quoi sont-ils capables dont nous serions privés ?

Hymne à la charité, à l’imperfection et au droit de garder ses illusions d’enfant

Allez mes frères, faites un effort. Ne pensez pas qu’à vous-mêmes. Ne nous voyez-vous pas ? Si à force de dire « Je » pour n’utilisez le « Nous » que pour vous, soyez assurés qu’un jour votre ego risque d’en prendre un sérieux coup. Commencez par ne pas trop vous jalouser vous-mêmes. Et cessez de vous présenter comme l’incarnation de la perfection. A vous entendre, à côté de vous, tout est gnognote et crotte de bique. Vous êtes les prophètes, les détenteurs de la foi. Et tous de vous croire, de vous encenser, de louer vos exploits, jusqu’au jour des premières tromperies mises à jour qui font que l’on perd ses illusions. Dur apprentissage de l’âge adulte. Respectez nos illusions d’enfants. Faites que nous ne devenions trop vite vieux, à votre image, car la sagesse ne se planque-t-elle pas sous des tempes qui grisonnent ? Laissez-nous nos folies printanières. Et regardez-vous dans un miroir.

De mon utilité virtuelle

Et maintenant, frères, supposons que je publie mes lettres (d’autres suivront peut-être, mais je ne suis pas prophète), en quoi vous serai-je utile, si ma parole ne vous apporte ni révélation, ni science, ni enseignement, si je reste confus. Ecoutez-vous vous-mêmes. Vous parlez en l’air, vous brassez souvent du vent, vous vous emmêlez les pinceaux quand vous changez de tableau, vous voulez en mettre plein la vue aux aveugles, et ouvrir les yeux à ceux qui vous écoutent, vous vous soutenez en vous combattant, vous êtes experts en géométrie variable, prisonniers de vos figures imposées. Comment voulez-vous que l’on vous comprenne ?

Si vous ne nous éclairez pas dans la nuit, si vous ne nous donnez pas les clefs de vos tiroirs, si vous ne nous initiez pas à l’art de gouverner nos îles, comment nous, qui avons rang de non-initiés, pourrons-nous continuer de vous dire « Amen » à vos actions de grâces, puisqu’on n’aura rien compris ? Bref, faut-il vous dire merde pour que vous compreniez ?

Règles pratiques

Que conclure, frères ? Lorsque vous nous parlez, chacun peut avoir un cantique, un enseignement, une révélation, un discours, une interprétation. Mais ne nous prenez pas pour des demeurés sédentaires.

Et que les femmes prennent la parole, n’en déplaise à saint Paul, ce con qui a écrit « Comme dans toutes les Eglises des saints, que les femmes se taisent dans les assemblées, car il ne leur est pas permis de prendre la parole. » Qu’elles vous bottent le machisme, histoire de vous faire redescendre sur terre.

Ne monopolisez pas la parole et sachez aussi nous foutre la paix.

III. LA TRANSMUTATION DES CONS

Le fait de la transmutation

15. Je vous rappelle, frères, que vous serez sauvés, si, égaux à nous-mêmes, vous ne nous prenez pas pour des cons. Autrement, gare à l’effet miroir.

Livrons-nous à une transmutation collective. Elevons-nous en vous rabaissant et rabaissez-vous pour vous élever. Ainsi serons-nous amenés à mieux nous voir.

Hymne triomphal et conclusion

Quand votre ambition aura revêtu les blancs habits de la modestie, quand vous ne vous verrez plus comme immortels, alors, mes frères pourrons-nous regarder l’avenir en face – ce qui est mieux que de l’avoir dans l’dos -, en se disant que vous avez aussi votre part d’humanité.
Ainsi, ni anges ni bêtes, mais sains d’esprit sur le même bateau, aurons-nous une chance, comme Moïse, d’être à notre tour sauvés des eaux.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
10 juillet 1999