Chronique du 4 juillet 1999

« Et qui peut douter que la connaissance du passé soit un enrichissement pour l’avenir ? »
Pardonne-moi, ô lecteur fidèle, si j’en reviens à cette citation de Georges Poulet, adjoint au Maire, extraite de son article de juillet 1999 sur les explorations préhistoriques à l’Anse à Henry.
Mais cette sagesse de l’homme cultivé ne peut laisser indifférent.
Aussi, compte tenu des déchirements récents intervenus entre Gérard Grignon et Bernard Le Soavec tous deux portés de conserve au Conseil Général en mars 1994, ai-je eu la tentation de procéder moi aussi à quelques fouilles.
Tu n’es pas sans savoir, ô lecteur à l’affût affûté, que le Sénateur actuel, Victor Reux, aujourd’hui rallié à l’équipe au pouvoir dans cette vénérable assemblée, se trouva alors subitement dans l’opposition du fait de cette déculottée de Mars qui l’avait amené à partager les affres de la déconfiture de Marc Plantegenest le président sortant.
Aussi, « dans le droit fil des cantonales », comme le mit alors en tête d’article l’auteur déconfit, Victor Reux s’empressa-t-il de laisser à la postérité son analyse sur ce malheureux coup du sort dans l’Echo des Caps n° 552 du 22 avril 1994.
« Ce qui me paraît important, écrivit-il, c’est que la sensibilité politique ne se traduise pas par le port d’œillères conduisant à des comportements figés, peu portés vers l’intérêt général et sans réelle vision d’avenir pour l’archipel. »
Passons sur ce regard hypermétropique qui aura permis à ce grand visionnaire de tourner de l’œil vers la partie adverse pour embrasser d’un seul coup, d’un seul, le fauteuil de sénateur, sans décollement de rétine, à grands renforts de doigt dans l’œil pour son partenaire trahi – le sénateur sortant Albert Pen abandonné soudain à son sort par celui qui le soutenait quelques heures auparavant, mais aussi, n’en doutons pas, un peu moins derrière le paravent -, et contentons-nous du plaisir de l’hypermnésie m’ayant amené à jeter le regard sur ce noble article susvisé.
« Ne percevons-nous déjà quelques signes d’une dérive anti-démocratique de confiscation du Pouvoir ? », interroge le conseiller général de l’opposition, quelques mois avant de changer de camp, et rattrapé depuis par le coup de sang du député dénonçant à son tour la dérive totalitaire du Président du Conseil.

Tu piges, ô lecteur ? Tiens, pour te laisser un peu plus dans ta mouise réflexive, je te livre la conclusion de l’article. « Importante aussi la mission qui nous commande de ne pas laisser passer sans rien dire, la triche et la manipulation qui ne sont probablement pas mortes avec l’élection du 20 mars dernier… » (1994, ndlr)

Est-ce la volonté de se racheter qui conduit le député à publier en ces jours sans brise un exemplaire gratuit du Vent de la Liberté pour révéler soudain tout ce qui le déliait de son partenaire et ami président du Conseil ?La coupe est pleine. « Assoiffé de pouvoir » ! lui balance dans les dents le député.

« Il est vrai que rien n’est immuable, la contre-mode succède à la mode… » écrivait encore Victor Reux en avril 1994.

Tiens, pour changer, je vais me citer avant de te quitter, ô lecteur impénitent, imitant la tendance similaire de l’ex-maire Albert Pen dans ses éditoriaux d’antan. C’était une de mes premières chansons.

« Depuis que les temps changent
Moi je ne comprends plus
Qui du diable ou de l’ange
Outrage la vertu »

L’essentiel n’est-il pas alors de se décentrer car, soulignait encore le Conseiller général Victor Reux, « vues de Paris, les tribulations de notre petit monde politique local n’empêchent personne de dormir, chacun s’en doute. » Loin de moi l’idée de contester cette docte méditation surtout que son auteur est devenu depuis sénateur.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
4 juillet 1999