Chronique du 18 août 1999

En ce mois d’août à la météo incertaine, je me suis décidé à aller visiter le nouveau musée, pour découvrir l’exposition consacrée au temps des morutiers à la fin du siècle (pas le nôtre, le précédent).
Ouah ! Comme tu le sais, ô lecteur impénitent – et pour que tu le saches toi aussi ô lecteur impétrant -, j’ai du mal à offrir un bouquet de fleurs, quelle que soit l’occase ou la saveur du bouquet. Mais une fois n’est pas coutume, je dédie tous les pétales qui me tombent sous la main (voire les deux) à la directrice de ce nouveau monument (le Musée, bien sûr) pour le travail réalisé. Car ce n’était pas facile de tirer parti d’un volume pareil, en évitant le bric-à-brac, tout en mettant en valeur les objets et la toile immense de Gaston Roullet. Qu’on se le dise, avec des Rosianne De Lizarraga du Musée de Saint-Pierre, des Marc Derible du Musée Archipelitude de l’Ile-aux-Marins, des Rodrigue Girardin des Archives, des Jean-Pierre Detcheverry du Musée de Miquelon, on peut hisser à nouveau la grand’voile. Parce qu’ils savent mettre notre âme en valeur. Et pour la première fois dans ce nouveau lieu – parce que j’ai visité quelquefois cette honorable bâtisse, tout en restant perplexe devant les immenses vitres qui nous ouvrent la vue sur le port de plaisance -, j’ai aimé promener mon regard de la toile, aux graves reconstituées, à la saline du pêcheur, jusqu’à l’extérieur, vers les entrepôts de la prohibition, le Centre culturel et les échouages des doris, encore présents sur notre île. Mais pour combien de temps ?

Et j’ai senti une colère sourdre. Parce que le Président de la République prévu venir à Saint-Pierre le 7 septembre aura l’occasion de savourer avec discours et petits fours cette page de notre passé ? Que nenni ! Bien au contraire. Mais parce qu’un administratif de préfecture a décidé de tout démonter, pour faire place nette, pour la visite du Président, qui verra peau de zob et faces sans histoires, le tout à l’envi.

Parce que l’expo a été réalisée par quelqu’un du pays, les huiles n’en auraient que faire ? Sauf qu’avec des huiles pareilles, on ne calme pas la mer.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
18 août 1999