Chronique du 26 août 1999

Collision de deux nouvelles dans l’actualité du 26 août 1999, mais qui, comme beaucoup de phénomènes célestes, aurait pu passer inaperçue. Je veillais donc pour toi ; ô lecteur repu de sommeil aoûtien.

Une bonne nouvelle pour commencer. L’économie française se porte bien ; mais tu n’y es pour rien avec tes doigts de pieds en éventail. C’est grâce à ceux qui ont fait l’ENA. La marge de manœuvre du gouvernement se situe donc entre 10 et 20 milliards de francs. Qui va être content ? Le contribuable ? Attendons. Qui sait ?

Sans doute as-tu entendu parler du Charles-de-Gaulle, le fleuron de notre force flottante de frappe, ce porte-avions qui n’est même pas fichu de permettre le décollage des avions américains, parce que sa piste oblique est… trop courte. Sais-tu combien a coûté cette dérision flottante au point que tous les goélands de la planète se fendent le bec ?

  20 milliards !
Eh oui, l’équivalent de la marge maxi du gouvernement avec son économie qui ronfle (pas comme ceux qui sommeillent, non, mais comme un moteur de formule au bord de l’ultime explosion). Alors devine ! On va rallonger la piste de 4,40 m. Pour la somme de combien ? Attention à la manœuvre. Surtout que, tiens-toi bien au bastingage, il faut aussi changer les tuyauteries corrodées par l’eau de mer. Les cons ! Ils ont conçu le porte-avions dans un bassin d’eau douce ! Ajoute à cela des problèmes de vibration des safrans. J’explique. Le safran est une « pièce verticale du corps du gouvernail » (dixit Le Petit Robert). Mais comme dirait un autre, c’est tout simplement la partie essentielle du gouvernail. Faudrait pas que le Charles-de-Gaulle ait la malencontreuse idée de venir faire un petit tour à Saint-Pierre, car il finirait comme le fameux bateau militaire espion qui est venu fracasser cette année son hélice sur nos rochers en marche arrière toute (cherche dans les chroniques du 15-16 avril 1999).
Mais comme il faut bien une cerise sur le gâteau (le gâteux, devrais-je dire), ajoute qu’il y a un problème d’étanchéité des deux réacteurs nucléaires du navire ! Si avec tout ça, on ne sait pas quoi faire des 10 à 20 milliards de surplus, je pars avec le Zodiac de 6 m des Affaires maritimes faire le tour du monde. Histoire de voir s’envoler les mouettes et les poissons-volants.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
26 août 1999