Chronique du 3 août 1999

Ah qu’il est super le temps de l’embargo !

  embargo sur le bœuf nord-américain aux hormones,

  embargo sur le poulet belge,

  embargo par mesures de rétorsion contre le pays ami qui pratique l’embargo que l’on dit salutaire.
Et, dernière nouveauté, affublée d’un relent de spécificité locale, embargo du fret en provenance de Montréal jusqu’au 15 septembre par la compagnie Air Saint-Pierre, subventionnée à fond la carlingue pour assurer le… désenclavement. La « pauvre » compagnie se trouve-t-elle dans l’impossibilité d’assurer ce service à cause de tous ces passagers qui ont l’idée incongrue de voyager et d’emprunter (au prix fort) sa ligne ?
Si tel était le cas, il serait grand temps d’inviter tous ces gens à aller se faire voir ailleurs, ou voir ailleurs si on y est, ou voir ailleurs si l’on peut voyager sans armes, bien sûr, mais avec bagages, histoire de se balader avec ses sous-vêtements estampillés par son publicitaire favori sans emmerder le malheureux sédentaire insulaire qui, lui, voudrait bien importer du soleil en boîte, mais qui ne peut le faire car Air Saint-Pierre ne peut le lui amener.
Alors, passager virtuel, s’il te venait à l’idée de prendre cet ATR aux couleurs exotiques, dans lequel une douce voix t’assènera « Merci d’avoir choisi Air Saint-Pierre », pense à tous ceux que tu prives d’importation. Et, par solidarité, si l’idée te convient, n’hésite pas à visiter la terre, aplatie aux deux pôles certes, mais ronde quand même, et si variée.
A moins que tu ne connaisses une compagnie qui voudrait s’implanter dans la zone, auquel cas, on pourrait lui assurer une publicité gratuite.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
3 août 1999