Chronique du 15 septembre 1999

Comment dire du mal de ses collègues sans se faire pincer ?
Tel pourrait être le titre d’un futur manuel à destination des VAT (Volontaires à l’Aide Technique) qui viennent à Saint-Pierre et Miquelon assurer des tâches pour lesquelles ils se sentent armés (puisqu’ils relèvent de la défense nationale).

Plusieurs possesseurs de FAX, dûment référencés dans les pages blanches, eurent droit ces jours derniers à l’analyse détaillée du comportement et motivation du personnel de l’IEDOM, Institut d Emission d’Outre-Mer, organisme, comme tu ne le sais peut-être pas, cher lecteur, chargé de contrôler tous les flux monétaires de notre modeste archipel (bref, un service peuplé de fonctionnaires, catégorie qui voue à la déontologie de son métier la dévotion que tu accorderais à la jeune Bernadette Soubirou si elle se réincarnait).

Donc, dis-je, voilà-ti-pas (façon de parler) qu’un employé de ce service se met à décliner – et dans le détail, les côtés favorables et défavorables de ses collègues, du planton au patron. Tu imagines l’effet de résonance dans la caisse centrale (autre nom de l’IEDOM), ô lecteur dépouillé (d’a priori).

Pépin (pour éviter la répétition de bref), une histoire de dénigrement qu’on qualifie ici d’histoire à la Haudrechy, dont je peux, si ça t’intéresse, te narrer un jour l’aventure qui remonte à quelques années.

Mais retenons dans l’immédiat que derrière les analyses pointues il y a souvent un con qui sommeille. Manquait à l’étude un seul nom. Devine. Eh oui, de l’auteur de l’analyse. Volontaire (donc c’était sa décision), à l’aide (c’était sa vocation) technique (c’était sa compétence).

Et l’affaire de trouver vite son dénouement par le renvoi, ce jour, de grâce, de celui qui aurait compris trop précipitamment (si l’on en croit la rumeur) qu’une carrière administrative peut conduire à porter avec condescendance un jugement critique sur ses collègues. Respect de la hiérarchie oblige, bien entendu.

Dans une autre communauté – moins civilisée – l’auteur aurait pu tout simplement se faire casser la gueule. Ici, l’on préfère une forme de fatalité. À Dieu vat. Et va t’en aux diables.

Une question demeure : qui a diffusé cette gerbante analyse ?

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
15 septembre 1999