Chronique du 11 octobre 1999

Engagez-vous ! qu’ils disaient.
Investissez ! disaient les autres.
Prenez vos affaires en mains, dit le député.

A Miquelon, des éleveurs locaux prirent au mot ces doctes paroles qu’on leur donnait en (vaine) pâture. Et moutons d’engrosser et moutons de grossir. Et vint le temps de l’abattage. Pas d’abattoir à Miquelon ! Pauvres bêtes (bi et quadrupèdes confondus). !

  Pourquoi ne pas rénover l’abattoir plutôt que de l’abattre ? dit le berger.

  Très belle idée, mon bien cher frère, dit le seigneur. Mais pourquoi pas une subvention de plus pour venir à Saint-Pierre ? Histoire de prendre du poil de la bête.

  C’est con, on n’y avait pas pensé.

Pour que les moutons clamsent, rien de tel qu’un bon modus vivendi. Et chacun de songer, qui à son bas de laine, qui à son pré carré.

Les jeux sont faits, du croupier au croupion. Car il faudra se revoir, autour d’un tapis vert (des prés). En ce domaine, il ne faut rien laisser filer. L’important dans ce métier (à tisser) n’est-il pas d’obliger les éleveurs à implorer chaque année l’Etat, leur Seigneur, de ne pas leur tondre la laine sur le dos ?

« Tu es mon berger, ô Saigneur » (hymne collectif que l’on reprend en chœur, en route vers l’abattoir).

En fin de compte (aucun homme n’est jamais assez fort pour ce calcul), n’est-il pas dit dans l’écriture que tout celui qui élève sera abaissé ? Comme il est d’us et coutume pour tout celui qui, dans nos îles, sort la tête de l’eau.

Mais ne remplit pas son bas de laine qui vaut quand tout va à vau l’eau. L’intrépide est vite mis à l’index, sans rapport particulier.

A part ça libre à chacun d’aller paître où il veut, s’il est prêt.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
11 octobre 1999