Chronique du 24 octobre 1999

J’ai toujours savouré le geste du visiteur fraîchement débarqué à Saint-Pierre, sortant de l’aéroport et montant dans ma voiture, la main gauche se portant déjà sur la ceinture, puisqu’il s’est assis du côté droit (nous ne sommes pas en Angleterre).

  Ici, on ne porte pas la ceinture…

Ces temps de liberté s’achèvent, dans notre société de plus en plus collective. À Saint-Pierre comme ailleurs, le port de la ceinture deviendra obligatoire. Un jeune sans permis emprunte la voiture de ses parents, se plante dans le décor, se blesse gravement et l’émotion est à son comble. Sur ces faits, la tentation coercitive se meut.

Ah si l’on avait su tirer à temps les conclusions de l’accident spectaculaire d’un préfet un jour de pentecôte, en 1993, au moment de l’apéro, en ligne droite, sur la piste Miquelon-Langlade ! Mais c’est la faute aux jeunes. Ils conduisent comme des fous, se plantent, s’envoient en l’air. Ça n’arrive pas aux adultes.

Du fait de l’inconscience des jeunes, donc, les Saint-Pierrais se serreront la ceinture, histoire de s’habituer aux surprises du parcours, la leçon ne s’arrêtant pas là, puisqu’il s’agira d’abord de la boucler.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
24 octobre 1999