Chronique du 4 novembre 1999

Ah les folles nuits de Saint-Pierre au centre ville ! Qui n’est pas allé faire du ramdam un soir de ribouldingue ! Qui n’est pas sorti dans le coaltar au petit matin du Joinville en chantant comme un perdu !

  Mais tout le monde pardi, car Saint-Pierre est le paradis des petits saints.

  Tu déconnes ou quoi ?
Ce temps est-il révolu ? Une pétition des riverains des hauts lieux des marginaux en goguette met l’accent, sans tambour ni trompette, sur les nuisances sonores. Et monsieur le Maire de relayer ladite missive à son collègue de la préfectorale. Je fais l’âne, à toi le son. Quant aux gendarmes, ils sont carrés, pas question de modifier le dispositif des rondes !

Que faire hic et nunc? S’amuser ou se faire chier, là est le hic. Quoiqu’en hiver le dilemme s’estompe. Il ne reste que le deuxième lemme.

Face à ce problème insoluble (dans l’eau ou le whisky), que reste-t-il ?
1. Déplacer le centre-ville (opération en cours, quand on y pense) ;
2. Déplacer les ginguettes à la campagne, mais vu la translation susvisée, le centre se déplaçant progressivement à la campagne, l’opération (coûteuse) n’est pas en soi judicieuse ;
3. Faire la sourde oreille (attitude efficace contre le bruit) ;
4. Reconstruire le lazaret de l’Île aux Vainqueurs et l’affecter aux libations des Saint-Pierrais à la dérive (puisque beaucoup prendraient leur doris en oubliant les avirons, forcément). Solution efficace par contre pour ceux qui savent chenaler, puisqu’ils n’auraient pas peur de finir sur les rochers avoisinants, dont l’Île-au-Massacre.

A noter que la solution de l’Île-aux-Marins est délibérément écartée, puisqu’elle ferait trop de bruit.

Dans l’immédiat, et dans l’attente des solutions, toutes aussi salées les unes que les autres (car tout a un prix), force est de constater que Saint-Pierre vit sa révolution : non seulement il faudra boucler sa ceinture, mais il faudra aussi boucler sa gueule. Comme certains hôtels seront également bouclés en fin d’année, il faudra se résoudre à prendre l’avion pour aller faire la fête ailleurs (réponse appropriée pour une amélioration sensible du coefficient de remplissage de l’ATR, dans un sens, puisque dans l’autre on ne voit pas pourquoi les étrangers viendraient se morfondre dans nos îles silencieuses).

Mais, rassurons-nous en gageant qu’on saura bien en haut lieu mettre une sourdine à toutes ces protestations, ce qui devrait permettre de mieux s’entendre.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
4 novembre 1999