Chronique du 15 décembre 1999

Dans la course à caracoler en tête d’un millésime vacillant, ni Saint-Pierre et Miquelon, ni Terre-Neuve, n’auront été les derniers. Qui serait le premier à franchir le cap de l’an 2000 en Amérique ? C’est moi, dit Goliath. Non, c’est moi, dit David (chaque lecteur des chroniques étant supposé avoir un minimum de culture judéo-chétienne et de sens des proportions).

Et Goliath, d’être vaincu, pour un malheureux demi-fuseau horaire dans lequel il s’obstine à afficher sa différence. Normal, de penser David, tout à son histoire.

Mais Goliath de prendre sa revanche. Car on a beau être terrassé on n’en reste pas moins terre-à-terre chez les protestants (My God, time is money). Il fallait donc rattraper le temps perdu. Et le National Post, quotidien canadien, de titrer dans son numéro du 13 décembre 1999 : « Newfoundland muscles out St.Pierre in fight for 2000 host honour. »

Car la victoire n’est pas où l’on pense. Vous serez peut-être les premiers, dit Goliath, mais tout seuls. Tandis que la fête, la vraie, celle qui mobilise les foules et les touristes, ce sera chez nous.

Et David, le Frenchie, de s’avouer battu par la voix de son coach, Jean-Pierre Andrieux, hôtelier et agent de transport de son Etat (majuscule compte tenu du soutien de Bercy, le grand argentier). Et le journal de sous-titrer « Stay away, French say. » Ne venez pas à Saint-Pierre, disent les Français. Le bureau de St. Pierre Tours à St Jean conseille en effet, précise le journal de ne pas se pointer dans les îles pour éviter d’être « très, très désappointés ». Seul un hôtel doit rester ouvert à l’occasion des fêtes de Noël, précise l’agence, et comme tous les magasins seront fermés la nuit du Nouvel An, trouver à bouffer relèvera du parcours du combattant.

D’ailleurs, pas rancunier vis-à-vis des Terre-Neuviens, le patron de l’agence a décidé de fêter le Nouvel An à St.John’s, qui, à l’inverse de Saint-Pierre et Miquelon, a les structures appropriées pour ce genre de festivités. Quant aux malheureux Français, pour prix de consolation, précise encore le journal, ils auront une arche sur le modèle de l’Arc de Triomphe (sans soldat inconnu, ndlr), ainsi que du champagne et un repas… froid, la nuit de la Saint-Sylvestre.

Quant à ceux qui seraient choqués, il suffit de se dire qu’il n’y a que la vérité qui froisse.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
15 décembre 1999