Chronique du 28 Mai 2000

Depuis que la morue s’est considérablement raréfiée sur les bancs de Terre-Neuve, on se rabat sur les touristes, aussi rares que la morue, en attendant des jours meilleurs. Aussi est-il bon de s’interroger sur ce qui pourrait pousser des bipèdes étrangers à se substituer massivement aux gadidés pour qu’ils tombent dans nos filets sans passer à travers mailles.

” Le tourisme, écrit Cavanna dans Charlie Hebdo du 3 mai 2000, est une activité non productive, qui ne satisfait aucun besoin essentiel, et qui suppose, d’une part un pays pauvre mais bien fourni en vestiges historiques prestigieux, en curiosités gastronomiques, en paysages bons à photographier, en folklore producteur de gris-gris, et, d’autre part, des pays suffisamment à l’aise dont les citoyens ont des loisirs ainsi que de l’argent à dépenser. ”

Or,

 Saint-Pierre n’est pas pauvre ;

 Saint-Pierre n’a pas de vestiges historiques ;

 Saint-Pierre aurait pu se spécialiser dans les plats de morue, mais les repas risquaient d’être frugals (et non frigos) ;

 Saint-Pierre a des paysages, à saisir quand la brume s’estompe et avant les tempêtes d’automne qui nous ramènent sur le rivage tous les détritus de la déchetterie (de la dump, si tu crois que ça en jette davantage) ;

 Saint-Pierre est certes globalement folklorique et gris, mais, en dehors des colis fichés à l’importation n’est pas le paradis du colifichet pour l’exportation ;

 Et Terre-Neuve n’est pas riche.