Chronique du 7 Juillet 2002

” Dites-moi, est-ce que vous êtes parente avec la célèbre Antonine Maillet ? ” demande en regardant ses feuilles le journaliste à son invitée sur le plateau du Vingt Heures de RFO en ce soir désespérément embrumé du 6 juillet 2002. Elle s’appelle Marguerite et la question l’agace, ostensiblement. ” Je travaille pour me faire un prénom “, répond-elle. Elle est écrivain(e), elle aussi., acadienne tout comme son homonyme. ” Célèbre ” la Antonine, donc elle, elle ne le serait pas ? On a beau aimer la généalogie, faut pas pousser grand-mère dans les orties. Exit la question incongrue.

Imagine, ô lecteur, que la vie t’ait affublé du nom de Tartempion. Ne serais-tu pas au bord de l’ire incompressible à la question mille fois renouvelée : ” êtes-vous parent avec Tartempion, ce célèbre anonyme ? ” Etes vous parent avec le célèbre coureur automobile ? ” m’a-t-on demandé un jour. ” Avec le célèbre boucanier ? ” une autre fois. ” Avec le célèbre banquier ? ” ” Avec le célèbre foie gras ? ”

Célèbre, célèbre, n’y a-t-il pas là de quoi se sentir abusivement cerné par la célébrité… des autres ? Merde alors. Ne passons-nous pas en fin de compte trop de temps à affirmer un patronyme dans l’espoir d’agrémenter les pages propres du Petit Larousse, voire la rubrique ” In Memoriam ” de l’Echo pour qui est de Saint-Pierre ? pourrais-je hypocritement discourir à la manière d’un philosophe en quête de reconnaissance ?

Aussi m’empressé-je de me raccrocher à cette formule salvatrice; ” A l’éternelle question : Qui sommes-nous? D’où venons-nous? Où allons-nous ? , je réponds J’suis d’chez moi, j’viens d’chez moi et j’y r’tourne “.Elle est du célèbre Pierre Dac, comme tu le sais, et non de ma pomme, nom de Dieu !

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
7 juillet 2002