Chronique du 17 août 2002

Mange des fruits, c’est bon pour la santé. Pourtant, depuis qu’Eve a croqué la pomme d’Adam pour l’avoir trop sucée (la pomme !), n’est-on pas prévenu que cette “drupe à cinq loges cartilagineuses”, comme le dit si bien Robert le Petit, contient suffisamment de pépins pour t’attirer un tas d’embrouilles ?

Moi, bonne pomme, j’ai toujours suivi les conseils diététiques propres à contenir l’oscillation perpétuelle entre la taille de guêpe anorexique et l’embonpoint trop convexe et j’ai goûté au fruit défendu, comme tout le monde, pétri de perplexité quant aux raisons qui ont pu pousser le Créateur, ce grand lâcheur de pommes, à brader chez Lucifer un fruit aussi délicieux.

Pauvre pomme à l’eau que j’étais, cédant à la tentation de la rougeur cirée du fruit infernal !

Car l’affaire a éclaté au Québec en ce mois d’août 2002. Les pommes sont cirées, précisément, pour être aguichantes, et la cire contient de la morpholine, un fongicide dont un des dérivés, la nitrosomorpholine a révélé ses effets cancérigènes sur les animaux. Et l’homme comme chacun sait est peut-être un animal. D’où viennent les pommes de nos étals ? me suis-je alors demandé avant de tomber dans les pommes. Saint-Pierre ne fait-il pas partie de la chaîne alimentaire canadienne ?

Encore une pomme de discorde, me suis-je dit en reprenant mes esprits. Car les experts des uns se battent contre les experts des autres. Aucun danger, a indiqué le ministère canadien de la santé. Mais le produit contesté a été retiré du marché. Et le consommateur, bonne pomme, de se taper le melon contre les murs en se creusant le citron afin de comprendre pourquoi la vie lui balance autant d’oranges dans la poire.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
17 août 2002