Chronique du 28 Octobre 2002

L’Archipel cherche à se redéployer.
Du moins cherche-t-il à se redéployer.
Disons qu’il cherche les moyens pour trouver comment se redéployer.

C’est la raison pour laquelle il s’est reconverti… dans l’exportation aéroportée de la morue fraîche.
Parce qu’il n’y a pas si longtemps il exportait de la morue fraîche.
Mais aussi de la morue salée.
Mais par bateau.
Aujourd’hui, c’est la note qui est salée.

Une première livraison de quinze tonnes de morues a été expédiée par avion cargo le 22 octobre 2002 sur le marché de Lorient. Détail cocasse : la morue prévue pour la vente s’était faufilée en-dehors des filets ; il aura fallu importer du poisson de Terre-Neuve pour remplir le contrat. Le filet de poisson s’étant faufilé entre les mailles, le gadidé saint-pierro-terre-neuvien a fait chou-blanc à la criée.

Les Lorientais auront-ils voulu nous tirer la langue… de morue en pratiquant la chute des cours ? Le prix pas piqué des vers obtenu sur place aura été bien inférieur au prix espéré : 2 euros le kilo. A tel point qu’au bout de 7 tonnes, le reste de la cargaison a été retiré du marché, pour obtenir en fin de compte et au prix de cris hautement poussés un compromis de 3,50 euros.

Quand on calcule le prix du poisson perdu + le prix du poisson acheté + le transport + la manutention + la logistique + le reconditionnement avant la mise sur le marché + le prix du billet des accompagnateurs, on peut se demander quel a été le solde de cette grande braderie.

“Il faut que l’expérience puisse faire ses preuves. Il s’agissait d’un premier vol. Il sera suivi au minimum de deux autres essais. Si le résultat économique est décevant, cette première livraison montre la faisabilité technique de l’opération” relatait le Télégramme dans son édition du 25 octobre 2002, une précision qui ne manque pas de sel.

A trop faire décoller la morue, l’Archipel ne risque-t-il pas de prendre un vrai bouillon en se chiquant la raquette ?

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
28 octobre 2002