Chronique du 5 Octobre 2002

Qui n’aura pas rêvé en écoutant Aznavour chanter :

“Si j’avais des millions
Tire tire tire tire tire tire boum
Tout le jour à Bidi Bidi boum
Ah, si j’étais cousu d’or
Je travaill’rais moins fort
Tire tire tire tire tire tire boum
Dieu Puissant, toi qui es éternel
Tu pourrais faire un petit effort
Ça changerait quoi du haut du ciel
Qu’enfin je sois cousu d’or” ?

Et le péquin rêveur de se précipiter à son antenne locale de la Française des Jeux pour jouer au… Millionnaire.

Patatras ! Tu peux gratter, acheter, regratter, jouer au loto ; pour le Millionnaire, nada, nothing, rien, peau de zob ! Pas question de pouvoir baver d’envie devant la virtualité d’un million… d’Euros ! Une responsable hexagonale de la Française des Jeux interrogée sur les ondes de RFO le 4 octobre 2002 l’a précisé : Jouer au Millionnaire à Saint-Pierre et Miquelon, ce n’est pas possible ! Et la briseuse de rêve d’ajouter : “On ne peut pas ternir l’image de ce jeu”. A vous coincer un raviolo (des ravioli) dans la dent creuse ! L’Archipel serait trop petit, la population pas assez nombreuse, les probabilités d’être retenu improbables, les probabilités d’être frustré certaines (un outrage à la notion même de probabilités). Bref, on ferait tache.

Notre antenne de la Française des Jeux ne pourrait donc rivaliser avec le PMU de Merceuil en Côte d’Or, pour ne prendre qu’un exemple ? Eh bée ! comme dirait un mouton, mon frère en se tapant la cloche, faute de mieux.

Tant pis pour toi, ô lecteur, si tu es des nôtres.
T’auras pas ton million
Tire tire tire tire tire tire boum
Tout le jour à Saint-Pierre boum boum
Tu s’ras pas cousu d’or
Tu bosseras un peu plus fort.

Mais au fait, je ne t’ai pas vu à la porte de la Française des Jeux ? Tu as pensé à l’incommensurable petitesse de ta chance de gagner plus que ce que tu perds, ne serait-ce qu’en temps et en café crème ? Tu pourrais acheter du rêve ailleurs après tout. Pourquoi pas au Pérou ? Ou, mieux encore, dans un café concert, surtout que tu rêverais mieux et pour moins cher.

 Mais il n’y a pas de café-concert.

 Il faudrait être millionnaire pour en construire un

 Mais il n’y a pas de millionnaire qui veut investir dans les cafés-concerts !

 Il faudrait donc jouer au Millionnaire.

 Tu peux chanter, on ne peut pas jouer au Millionnaire…

 Qu’est-ce que tu me chantes ?

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
4 Octobre 2002