Chronique du 8 Octobre 2002

Bon, tu le sais, toi qui me lis comme tout insulaire engoncé dans ses habitudes happé par le Journal de RFO chaque soir à vingt heures entre l’apéro et… l’apéro. On soupe de plus en plus tard depuis la disparition des bals musette. Abordons donc le troisième épisode de la série consacrée à l’effeuillage de l’arrêté n° 555 du 16 septembre 2002 pour la détention (ou l’hébergement, comme tu voudras) “des chiens sevrés lorsque le nombre d’animaux est compris entre 10 et 50”.

Résumé du 1er épisode.

Si tu veux héberger à Saint-Pierre et Miquelon dix chiens sevrés, ô lecteur – chasseur – animalier (l’un ou l’autre ou les trois en même temps), il te faut (accroche-toi le père) :

 une installation à plus de 100 mètres de tout lieu habité ;

 des murs, des cloisons, des plafonds imperméables et lisses ;

 un sol imperméable, avec une pente pour l’écoulement de la pisse et un petit trou qu’on qualifiera d’orifice avec un siphon affublé d’un panier grillagé pour filtrer la merde et le tout raccordé à l’égout ;

 des locaux bien éclairés, bien ventilés ;

 des niches en matériaux durs, faciles à nettoyer, surélevées de 10 centimètres (ni plus ni moins) par rapport au sol ;

 de l’eau potable sous pression à disposition des quadrupèdes (en stagnation) ;

 une cuisine (facultative), avec des murs bien lisses et imputrescibles, avec des chaudières surmontées d’une hotte filtrant les odeurs pour ne pas empester les voisins ;

 un réfrigérateur, une chambre froide (toujours pour la cuisine) ;

 le ménage sera fait au moins une fois par jour ;

 les déchets seront convenablement stockés ;

 « les niches, les sol et murs seront lavés et désodorisés chaque jour »…

Résumé du 2è épisode.

“Toutes dispositions efficaces seront prises dans toutes les parties de l’établissement pour (…) s’opposer à la propagation des bruits et empêcher l’introduction des mouches”

3è épisode

Ne crois-tu pas qu’il sera impératif d’être une fine mouche pour empêcher les mouches d’entrer ? Et qu’il faudra l’avoir été pour y avoir pensé ? Ne faudra-t-il pas moult explications, moult réunions et concertations en tout genre pour mettre de l’huile dans les rouages des tractations inéluctables ? Car on ne chasse pas les mouches avec du vinaigre. Quelle mouche vous a piqué ? risque de s’enquérir le gérant du premier Club Atlantique à Chiens (dit CAC 50, variante locale non cotée en bourse du Club Méditerranée). Ne risque-t-on pas d’entendre une mouche voler dans un contexte d’incompréhension telle où toutes les parties prenantes se regarderont en chiens de fusil ? Qu’adviendra-t-il si par malheur un enculeur de mouches trop zélé applique le nouvel arrêté sans coup férir ? Toute loi ne mérite-t-elle pas quelque assouplissement ? Doit-on faire bouger un arrêté ? Ne risque-t-on pas de voir des propriétaires de chiens prendre la mouche, contrevenant ainsi, sans le savoir, aux règles de salubrité publique? Ne risque-t-on pas l’émeute ? Ne faudra-t-il pas afin de calmer les esprits surchauffés ouvrir la boîte aux pandores pour avoir ouvert négligemment une boîte à Pandore ?

Pourquoi tant d’histoires pour faire crécher les chiens, peut se demander le péquin qu’on qualifie toujours, tu le remarqueras, de moyen ? Et les chevaux alors ?

Mais au fait, pourquoi pas les chevaux ? Ne méritent-ils pas tout autant d’être protégés par l’Etat si l’on est aussi à cheval sur les principes quand il s’agit des chiens ? Peut-on fermer les yeux sur les sans-abris hennissant dans la froidure de la dune en plein hiver ? N’est-il pas urgent de prendre le mors aux dents et de s’en préoccuper ?

Tout ça peut faire du foin, me diras-tu. Ce sera toujours ça de gagné, te répondrai-je.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
8 Octobre 2002