Chronique du 14 Novembre 2002

Les vrais événements passent souvent inaperçus. Ainsi en a-t-il été de la grève des photographes à la sortie du Conseil des ministres le 13 novembre 2002, dans un mouvement de protestation contre un projet de modification de la propriété intellectuelle.

La grogne pourrait être anecdotique, mais en y regardant de plus près, il n’y a pas photo. Peut-on imaginer des politiques sans clichés ? Je te le demande, ô lecteur passe-muraille. Peut-on les concevoir sans négatifs ? Sans pellicules, malgré leur coiffeur attitré ? Que resterait-il d’eux sans portrait, sans affiche, sans caméra ? Ne seraient-ils que l’ombre d’eux-mêmes, leur négatif, précisément ? Achèterions-nous l’Echo des Caps et l’Horizon sans la trombine de nos édiles ? Le Vent de la Liberté (quand l’enfant paraît) sans celle de notre député ? Trait d’Union sans celle de notre sénateur ? Ne nous manque-t-il pas quelqu’un de vital depuis qu’on n’a plus celle d’Albert Pen, notre fougueux représentant d’il y a vingt ans, du temps où les photos avaient pourtant un moins beau rendu qu’aujourd’hui ?

Soyons objectif (accord singulier). Sans photo, il n’y aurait pas de révélateur. A se demander comment on faisait du temps où l’on ne pouvait pas se voir en peinture, vu que chaque tableau de maître était à l’unité (tu me suis ?)

La vraie photo n’est-elle pas argentique pendant que l’homme politique se doit d’être argenté s’il veut avoir quelque crédit ? Et le numérique n’est-il pas un codage à haute valeur ajoutée ?

Bref, sans image, ne serions-nous pas réduits à tout imaginer, même le pire ?

Mais la grève des photographes n’aura été heureusement que de courte durée. Un petit déclic, tout au plus, qui aurait pu amuser la galerie.

Heureusement que les chroniqueurs veillent au grain.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
14 novembre 2002