Une société en perte de repères

La société locale fonctionne à deux vitesses. Mais qui ose l’avouer ? La nouvelle s’est répandue en cette fin de novembre 2002 que de nombreuses interpellations ont lieu à cause de la drogue. Et un pote de fumeur de joints de s’indigner : « on ferait mieux d’arrêter ceux qui pompent l’Etat sans se poser de questions ! » (propos entendus dans un bar) Réaction excessive, certes, mais bien humaine, après tout. Les récents déballages sur les marchés publics et les indemnités des élus ont troublé les esprits et la révolte mine les cœurs. L’impuissance est alors , chez ceux qui ne trouvent pas leur compte dans une société aux valeurs faussées, source d’animosité contre ceux qu’ils qualifient de « nantis » et qui se permettent des excès de conduite vus comme plus sérieux que le pétard aux lèvres.

Comment alors combler ce fossé ?

Saint-Pierre et Miquelon n’échappe pas à la recherche éperdue des paradis artificiels au sein d’une société déboussolée. La surconsommation effrénée n’est pas facteur d’équilibre et une frange non négligeable de la communauté – jeune et moins jeune -, est en déshérence. La leçon de morale ne fait rien à l’affaire quand l’idéal n’est plus au bout du chemin.

En quoi peut-on se reconnaître aujourd’hui quand la voiture rutilante est par exemple le révélateur suprême de soi ? La fierté collective identitaire n’a-t-elle pas été sacrifiée sur le parking des égoïsmes ? La quête du privilège combinard immédiat a remplacé la construction initiatique de l’individu.

Terrible constat d’une vacuité du discours public dénué de projets fédérateurs, plus enclin à flatter l’avidité clientéliste qu’à révéler la grandeur d’une vie assumée dans sa complexité. Quand tout n’est qu’illusion, comment ne pas comprendre qu’on puisse se réfugier dans un bonheur illusoire ?

Henri Lafitte, 23 novembre 2002