Chronique du 15 février 2003

Cela ne fait-il pas quelques années que le sort de la diversification économique dépend pour une part du « transbordement douanier », Saint-Pierre et Miquelon constituant un point d’entrée privilégié en Europe. A part une opération fructueuse sur une cargaison d’aluminium, tout était au point mort. Fort heureusement, nos politiques veillaient, débattaient, combattaient, ferraillaient, discouraient, écrivaient, gambergeaient, le tout prenant du temps, naturellement. Youpi ! Le transbordement, ce « mécanisme dont les recettes sont nécessaires au Conseil général et nécessaires aux investissements », comme disait Christian Paul, ministre de l’Outre-Mer en janvier 2002, allait enfin reprendre. Puis point de nouvelles.

Comment se fait-ce qu’une affaire aussi alléchante n’attire depuis aucun de nos voisins ? de se dire un triste circonspect ? (rien à voir avec un triste sire qu’on s’paie) Et voilà qu’à Bruxelles, là où tout peut finir dans les choux, un fonctionnaire ouvre un dico. « Transbordement », « action de transborder »,comme dit le Petit Robert, « transborder » voulant dire « faire passer d’un bord, c’est à dire d’un navire, à un autre ». Patatras ! Voilà le transbordement compromis, de nous préciser le président du Conseil Général, sur les ondes de RFO, le 13 février 2003, car de passage d’un pont à un autre, il n’y en avait pas. Tout le monde était d’accord, sauf qu’on ne savait pas sur quoi.

Merde alors ! Nos politiques parlaient, glosaient, s’invectivaient à propos du transbordement sans avoir pris la peine d’effeuiller Larousse pour en vérifier préalablement la portée sémantique ? A la différence de monsieur Jourdain qui faisait de la prose sans le savoir, on voulait faire du transbordement sans le faire au risque de l’avoir dans le prose ? Ce qui se conçoit bien ne doit-il pas s’énoncer clairement ? Et ce qui est mal énoncé n’est-il pas tout simplement mal conçu ? Ne reste-t-on pas alors tout con pour ne pas l’avoir su ?

Qu’on se rassure, le dossier reste à l’ordre du jour, de nous préciser toutefois le président, l’important étant certainement de ne pas couper les ponts pour passer un jour d’un pont à l’autre. Jusqu’à ce qu’on nous envoie sur le pont, nom de nom !

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
15 février 2003