Chronique du 18 février 2003 (2)

La Turquie rappelle qu’elle n’est liée jusqu’à la mort aux Etats-Unis si ceux-ci ne l’aident pas économiquement en cas de conflit avec l’Irak. Risque-t-on de voir Georges W. Bush, le cul dans une ottomane, conseillé par Condoleezza Rice, sa jeune turque, tourner casaque et s’en prendre à un autre nouveau Satan, le jour où il aura envoyé Hussein en enfer ? N’a-t-il pas là la tête de Turc idéale ?

Car la Turquie n’a-t-elle pas été aussi efficace que Saddam dans l’oppression des Kurdes, ce qui vaut bien la même réprimande, la même indignation, la même mobilisation, la même levée de bouclier ? On objectera que c’était avec l’appui militaire et financier des Etats-Unis, l’allié bienveillant. Mais en 1988, Saddam Hussein, l’ami d’alors, n’a-t-il pas bénéficié de la même bienveillante compréhension dans le gazage des Kurdes en question ? Car qui travaille en fin de compte pour le grand Turc dans ce monde livré à la spéculation ? De là à chanter en chœur « Babylone, Babylone, tu déconnes », il n’y a qu’un pas. Il suffit de préparer l’opinion.

Qui se souvient aujourd’hui d’Abdullah Ocalan, le leader kurde tombé dans un guet-apens et enfermé à vie depuis le 15 février 1999, malgré son appel à la paix, dans les terribles geôles d’un pays candidat à l’entrée dans l’Union européenne ? Pourquoi ne pas se précipiter dans un kiosque à journaux, en quête de nouvelles, en pensant à tout ce que l’on doit aux Turcs dans le silence de la presse ? Car l’Amérique dominante, porte-étendard des pays avancés, ne porte-t-elle pas aux nues la vie de pacha, pour ceux qui savent y faire, bien entendu ?

Et la politique internationale n’est-elle pas le terrain privilégié de l’hypocrisie ?

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
18 février 2003