Chronique du 3 avril 2003

Il faut en finir avec le Sénat, avait annoncé Jospin. « Si on réfléchit bien, et sans passion, une chambre comme le Sénat avec autant de pouvoir, où l’alternance n’est jamais possible, qui n’est pas élue au suffrage universel direct et qui n’a même pas la caractéristique d’être une chambre fédérale, puisque nous sommes un Etat unitaire, c’est une anomalie parmi les démocraties », avait-il plus précisément le 21 avril 1998. Et mes cigares alors ? a pu s’écrier Charasse. Passer de neuf à six ans ? Pourquoi s’obstiner avec ce cénacle ? de s’interroger un irréductible opposant à une représentation désuète.

Car le sénateur échappe à l’homme de la rue à cause du mode d’élection propre à encourager toutes les manigances, du serrage intensif de paluches aux trahisons les plus perfides. Et l’Archipel n’y échappe pas. Un mandat tire à sa fin et la guerre feutrée de positions (car il peut y en avoir plusieurs) commence. Réformer un tel système juteux, quelle folie ! Et l’hebdomadaire Marianne, cité par l’Echo des Caps du 28 mars 2003 de préciser : « le pays peut couler, qu’importe : l’important, c’est de conserver son fromage ! »

N’y a-t-il pas dans cette citation par l’hebdomadaire municipal un acte de conscience ? Mais sans fromage, pourquoi lutter en politique pour son pain quotidien ? Au prix du frometon sur nos îles, on comprend qu’un tel exemplaire unique puisse en faire saliver plus d’un.

Surtout quand il s’agit, dans la haute société, de préserver les moments privilégiés entre la poire et le fromage. Et chez les socialistes, on n’est pas les derniers, semble-t-il, à vouloir en profiter. Mais faut-il pour autant en faire un fromage ?

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
3 avril 2003