Chronique du 1er mai 2003

Il nous avait habitués à regarder du côté des étoiles, à rêver des galaxies. Et voilà que soudain il nous ramène au sol, nous assenant un « mal de terre » à nous broyer l’âme. Mais qu’est-ce qui lui a pris ?

Inutile de te présenter Hubert Reeves, un de ceux qui nous permettent de ne pas être déconnectés de la science en mouvement. « Pourquoi, aujourd’hui, quittez-vous les étoiles pour parler de la planète terre ? lui demande Frédéric Lenoir, l’ensemble de l’ouvrage étant construit sous forme de dialogue propice à la réflexion et à la compréhension. « Avant d’être un chercheur en astrophysique, je suis un habitant de la Terre et un citoyen du monde. J’ai aussi des enfants, des petits-enfants, et des êtres qui me sont chers. Or je suis extrêmement préoccupé par l’avenir de l’homme sur notre planète. La vie a mis des milliards d’années à se développer pour aboutir à cette extraordinaire merveille qu’est le cerveau humain. Une fabuleuse odyssée cosmique qui pourrait fort bien prendre fin par notre faute », répond Hubert Reeves.

A une époque qui nous enferme dans la consommation d’un quotidien sans cesse renouvelé, dans l’ignorance le plus souvent de ce qui préside aux mécanismes mis en oeuvre, l’ouvrage d’Hubert Reeves, « Mal de Terre » nous accule dans les derniers retranchements d’un vécu inconscient, comme si la quiétude allait de soi. A la lecture d’une telle analyse, on peut se sentir écrasé par un destin implacable, ce qui n’empêche pas de « penser globalement » et « d’agir localement », comme disait Jacques Ellul, de façon à contribuer, certes modestement mais utilement, à la prise de conscience des défis majeurs d’aujourd’hui. « Ainsi pourrons-nous éviter ces politiques à courte vue (« après moi le déluge ») qui ont été trop souvent le fait des humains. Elles ont pour résultat d’hypothéquer l’avenir et de laisser à nos descendants le soin de payer pour longtemps des erreurs qu’une réflexion fondée sur le long terme aurait pu éviter. »

A l’heure où l’on admet enfin officiellement en France que le nuage de Tchernobyl ne s’est pas arrêté à la frontière belge, et qu’il y a de quoi s’interroger sur de nombreux cancers de la thyroïde intervenus depuis, emboîter le pas d’Hubert Reeves ne peut être que salutaire.

Car plus que jamais l’aujourd’hui fugitif peut se muter soudain en un éphémère sans relève du lendemain.

Henri Lafitte, 29 avril 2003

Hubert Reeves, Mal de terre
Editions du Seuil, mars 2003