Chronique du 20 mai 2003

Otages d’un conflit… d’intérêts

Les dernières semaines ont vu une intensification des effets induits par la rivalité entre les deux transporteurs maritimes, Alliance d’une part, nouveau regroupement ayant succédé à l’armement Ro-RO Service, et Delta Transport d’autre part. L’Aldona, le compétiteur du Cap Blanc de la compagnie Delta, sur la ligne Terre-Neuve – Saint-Pierre, a été récemment saisi par les Canadiens. Vendredi soir éclatait une affaire portée à la connaissance du public par le Président du Conseil général sur les ondes de RFO, de possible falsification de document qui aurait entraîné la saisie illégale du navire Aldona, document remis pour examen au représentant du préfet lors de la réunion officielle du Conseil. Terrible crescendo en quelque sorte dans la lutte fratricide dans le domaine des liaisons maritimes et rebondissements inéluctables à la clef.

Samedi 18 mai 2003, nouvel épisode, nouvelle aggravation du conflit. Le navire Shamrock assurant la liaison Halifax – Saint-Pierre, n’aura pas assuré sa desserte habituelle. La compagnie Alliance accentue sa pression sur l’Etat qui n’a pas versé une subvention attendue. Pendant ce temps, sur les ondes de RFO, Brigitte Girardin déployait tout son charme pour rassurer l’Outre-Mer sur les améliorations déjà sensibles dans le secteur du désenclavement aérien et… maritime. Occasion de constater une fois de plus le décalage entre le discours politique et la réalité.

20 mai 2003. Deux remorques ferment les rues menant à la Préfecture. La pression s’accentue sur la Préfecture. « L’Etat nous abandonne » affichait une pancarte. Etre armateur ou pas, telle est en fait la question, si l’on en croit la représentante de la société Alliance interrogée sur les ondes de RFO. « On joue sur les mots », aura-t-elle d’ailleurs précisé, façon d’éluder sans doute le problème de fond qui subsiste : comment trancher entre les deux compagnies rivales ? Mais qui risque d’être le dindon d’une tragi-comédie où l’Etat semble faire l’autruche ? Le consommateur de consommable, pardi, répond le con sommé de donner son avis. La société avait pris soin de demander et d’obtenir l’appui du Président du Conseil Général que l’on pouvait voir gravir l’escalier menant au Cabinet du Préfet avec toute la décontraction de celui qui renvoie la balle, mine de rien. Mais où sont les intérêts ? Où sont les positionnements des uns ou des autres ? Quel est le jeu politique sous-jacent ? Que cherche l’Etat en jouant des luttes intestines ?

Le blocus de la préfecture a été levé lundi après-midi mais rendez-vous est pris pour mercredi. D’ici là, on trouvera encore de l’île flottante dans les desserts de l’Archipel.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
19 mai 2003