Chronique du 6 mai 2003 (2)

Les salariés des Nouvelles Pêcheries ont repris le travail « avec le sourire », apprend-on à la une du journal télévisé du 5 mai 2003. Tiens, la crise était-elle disproportionnée ? Reportage, interview du patron de l’entreprise, il y a du travail pour… deux jours. De quoi redonner le sourire en effet… Mais jusqu’à quand ? La flûte enchantée ne risque-t-elle de se muer in petto en chant du cygne ?

Et dire qu’on s’émeut si la météo ne peut prévoir le temps pour la semaine ! Que ne nous a-t-on pas bassiné avec les contrats de plan, la loi pour l’outre-mer, la loi programme, les projets échelonnés dans le temps ! « Gouverner, c’est prévoir », nous a-t-on encore rappelé récemment, comme si l’on en doutait.

Mais la pêche au crabe s’avère désormais plus aléatoire que la pêche aux voix et ne pas se gourer sur… deux jours relève désormais de l’exploit. Prévoir sur un an ? Sur six mois ? Sur trois ? Sur un ? Vous n’y pensez pas. Deux jours de travail et c’est le scoop ; le téléspectateur est ainsi invité à partager le bonheur des salariés.

 Et dans deux jours ?

 Dans deux jours, on verra. Faut pas confondre prévision et voyance…

 Je vois

 Ne pas voir ça, c’est être aveugle…

 Je vois.

 Mais qu’est-ce que tu vois ?

 Ce que tu vois…

 Mais je ne vois rien…

 J’suis comme toi.

 T’es content ?

 Ça n’se voit pas ?

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
6 mai 2003