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D’Gé, “Pour prendre place”

D’abord, il y a la pochette, gaie, bien pensée, pour poser le décor ; nous sommes dans une rue de Saint-Pierre, celle qui part de feu le « Feu Rouge » et que Patrick, le frangin, a voulu camper à nouveau au bout de la rue où habite Gérard, « D’Gé », désormais pour qui prendra connaissance de ce nouveau CD, le premier de l’artiste, une réalisation qui vous emballe d’entrée.

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« Pour prendre place »… prend immédiatement sa place dans le paysage musical de l’Archipel. Dans la démarche tout d’abord, avec la complicité de plusieurs musiciens, Thierry Artur, Gwenaël Lafitte, Thierry Ruel, Jean-Guy Poirier, Bruno Arantzabé, Michou Desdouets, Eric Poitras, Denis Bouvier, Patrick Lebailly, pour les compositions, les arrangements, la réalisation instrumentale, Amaël Boudreau (la fille de Gérard) pour la 2è voix. Tiens, j’ai même une de mes chansons sur l’album. Car Gérard sait faire converger l’amitié ; quel plaisir de l’accompagner dans sa démarche ! Et l’auteur n’oublie pas d’évoquer cette ambiance amicale, cette symbiose d’artistes venus l’épauler et notamment Thierry Artur à qui il doit beaucoup pour la concrétisation de ce beau projet.

Dans les douze chansons de l’album, dont onze écrites par Gérard qui nous dévoile une très belle écriture où s’entremêlent sensibilité, agacement, pudeur, rêveries et révolte. « Alors je chante / Je crie ma peine et mon envie », de conclure l’artiste, en fermeture d’album. Samba, rythmes jazzy, tantôt tendres ou fougueux, ballades, reggae, portent des textes finement ciselés ouverts dans l’évocation d’une sensibilité qui se nourrit d’un Archipel en interaction avec le monde extérieur. Ah ! Se retrouver chez soi quand on est exilé quelque part dans une grande ville où il fait bon se dire que « Tu repartiras sur ton île / Où tout est pur, tout est tranquille / Chercher le rêve chercher l’idylle »… Qui peut être insensible à cette attente des « Fins de semaines » quand plus de deux cents jeunes partent au loin chaque année pour une longue absence chargée d’études nécessaires ? Et ce coup de sang contre les donneurs de leçons qui revenant d’une longue absence volontaire se croient autorisés à tous les dénigrements : « tu dénigres ton île / Et pollues tes racines / Par tes mots inutiles / Et tes phrases assassines » ! Ou cette colère encore contre les violences inadmissibles « De Rongieras à Audrrechy / Par vos écrits vos avanies / Vous méritiez d’être bannis / Mais vous lyncher moi non merci ». Gérard est un poète captivé par l’insularité au paroxysme de l’Île aux Marins : « Son école cimaise / Exhibe à tous les vents / Son histoire sa genèse / Souvenirs d’un autre âge / Vestiges d’un autre temps / Elle inonde mes rêves ». Belle ballade en effet qui berce les nôtres « dans un sourire béant ». Gérard est-il venu sur terre « Avec pour seul bagage / Ses joies et ses souffrances » ? Sa sensibilité, sa « haine de la violence », son regard vers un monde meilleur, sa voix chaleureuse, son émotion, entraînent notre adhésion.

D’Gé prend ainsi toute sa place en effet dans une réalité insulaire faite d’incertitudes, de souffrances, d’espérances et de joies aussi. Et je me suis surpris à me dire : déjà la douzième chanson…, reprenant avec lui « Alors je chante / Je crie ma peine et mon envie / Qu’tout recommence / Que ce Dieu qui nous a menti / Fasse pénitence ».

Et j’ai rouvert le livret à la première page dans un plaisir mêlé d’écoute et de contemplation.

Henri Lafitte, Chroniques musicales
23 juillet 2003

D’Gé, “Pour prendre place”
Courriel : dge@cheznoo.net