Georges Chelon, “Lettres ouvertes”

Est-ce sous le coup du dernier acte de violence perpétré dans un restaurant d’Israël que je me suis réfugié dans une nouvelle écoute de l’album de Georges Chelon, « Lettres ouvertes », sorti il y a un an déjà ? N’en doute pas ô lecteur.

Et me voilà saisi à nouveau par cette chanson poignante, criante d’actualité, « monsieur », la deuxième de l’album.
« Monsieur
Il n’y a pas de mots pour vous dire ma souffrance/
Ces attentats, ces morts, toute cette violence/
La Vie déchiquetée, non je ne comprends pas/
Qu’une logique humaine puisse conduire à ça ».

Et le poète de s’adresser aux puissants, aux maîtres des compréhensions interdites :
« Monsieur
Une envolée de rimes contre une armée de chars/
Pour ramener la paix quoi de plus dérisoire/
La raison du plus fort n’a que faire des poètes ».

Car « il y a tant et tant de larmes derrière les paupières.
De tant et tant de femmes partout sur la terre », superbe ballade où l’artiste oscille entre le regard sur tout ce qui déchire le monde et l’action dérisoire du saltimbanque en quête de paix, rêve inassouvi de toutes les générations d’écriture :
« J’ai mal aux gens et j’ai souvent de violents maux de terre/
Moi qui pourtant suis né du bon côté de la barrière ».

La recherche de l’harmonie n’est pas pour autant plus facile dans les rapports du couple au quotidien :
« Tu m’as donné trois enfants/
Que t’ai-je donné en retour ».
« Rassure-moi », scande Georges Chelon.

Douze chansons, au fil de ces « Lettres ouvertes » et un artiste en prise au monde déchiré d’aujourd’hui, attentif à ce qui peut survenir « au-dessus des nuages » :
« Qui va unir deux vies séparées par la guerre
Comme une arche de paix, comme un pont de lumière.

« Le monde a peur », certes ; mais que font les puissants pour tirer les vraies leçons des drames de ces dernières années, dont les attentats du 11 septembre 2001 ?
« quant à vous il est temps de savoir que des hommes
habitent aussi la terre sur laquelle vous vivez »

« Alerte citoyens » s’écrie encore le chanteur, quand l’exclusion envahit nos cités.

Un beau disque d’humilité, pour ne pas se laisser berner par les hérauts de la violence. Mais Georges Bush et Ariel Sharon n’ont sans doute jamais entendu parler de Georges Chelon. Et pourtant…

Henri Lafitte, Chroniques musicales
5 octobre 2003

Georges Chelon, « Lettres ouvertes »
EPM – octobre 2002