Serge Utgé-Royo, Les diamants de l’été

Etre sur une île ou dans le fin fond des villes ne te prédispose pas obligatoirement à la découverte de nouveaux artistes, surtout si tu te trouves rivé devant un poste de télévision. La surprise est d’autant plus grande quand l’artiste a vingt ans de carrière derrière lui, onze albums à l’appui, et qu’il te touche d’emblée, dès les premiers mots.

C’est donc grâce à Chorus que je suis parti à sa recherche. Et me voilà avec « les diamants de l’été », de Serge Utgé-Royo, fils d’exilés de la guerre d’Espagne. Quatorze (+une) chansons nourries des petites gens, des oubliés, de la détresse humaines au creux « Des hivers qui durent douze mois », la quatrième chanson de l’album « « Tout un peuple garde le silence / Mais le vacarme est assourdissant / La détresse, sans cesse, défile / Et se blottit sous le moindre toit ». Et comme pour narguer le désespoir « Il existe des lieux d’insolence / A l’abri des gueux et des perdants / Où s’ébattent des princes futiles, / Brûlant des fortunes dans la joie ». La voix est toute en nuance, les thèmes souvent douloureux, le regard de l’artiste est sans complaisance. Serge Utgé-Royo est l’auteur-compositeur de ces quatorze titres (à l’exception d’une composition de Philippe Leygnac), il est accompagné d’une solide formation musicale, dont Jack Ada à la guitare, venu à Saint-Pierre et Miquelon il y a quelques années en compagnie du guitariste Michel Haumont. Batterie, basse, violoncelle, piano, chœurs (avec la participation de Francesca Solleville, venue elle aussi à Saint-Pierre), portent avec élégance la volonté de fraternité de l’artiste.

Difficile de rester insensible quand, dès le premier titre, « Comme les chats », l’auteur dédie sa chanson à un jeune du 19è arrondissement de Paris à qui l’école aura appris le sens de… l’échec. « Mais qu’avait dans les yeux ce gamin de banlieue, / ce petit clown blanc à l’esprit affûté, / en comparant sa vie de lutin malheureux / à celle d’un matou aux griffes abîmées ? » « Le bonheur est fatigué », chante l’artiste, « La planète des actionnaires / est si loin des pauvres gens… », mais il faut résister, chanter l’espoir, surtout ne pas baisser les bras « Si l’utopie marque le pas / Sur l’horizon, / Aucune voix ne portera / Notre chanson… »

Surgit alors cette femme en quête de tendresse au cœur d’un bal ; elle voudrait tant « ce grand garçon insaisissable », un soir de bal, mais « la valse glacée du mâle a fait tourner la comédie ; Les yeux mouillés d’une autre dame ont coulé dans ceux de la belle ».

Alternance de lueurs et de moments plus noirs, à l’image de cette pochette en noir et rouge pour dire que la vie est un combat : Il faudra qu’une vague superbe et fraternelle / éclabousse nos murs d’un peu d’égalité » (Les grands loups de l’enfance) La vigilance, l’éveil sont de mise ; et méfiance à l’encontre des politiques de carrière : « Vous qui vous croyez mes représentants, / pauvres mercenaires, pauvres présidents / vous parlez, sans cesse, d’un air important / et faites sourire les petites gens… » Place alors au rire salvateur : « je ris de vos importances… »

Et le temps vient alors de faire un retour sur soi, histoire de souffler, voire de réfléchir un peu sur ce que l’on a vécu, de « repeindre le vent » avec Serge Utgé-Royo au détour de l’avant-dernière chanson de l’album, avant ce petit bouquet final repris en chœur, pour nous inviter à chanter encore demain. (ne t’ai-je pas parlé de quatorze + une ?)

Henri Lafitte, Chroniques musicales
19 octobre 2003

Serge Utgé-Royo, Les diamants de l’été
Edito Musiques – UR8 2003
Disponible (à titre indicatif) à la FNAC (extraits musicaux en ligne)
Site internet : www.utgeroyo.com