Chronique du 19 novembre 2003

C’était donc au tour de notre député de prendre son envol à l’aéroport « Pointe Blanche ». Normal, vu qu’il était à l’aéroport, me diras-tu. Mais je te rappellerai qu’il s’agissait d’une émission télé, « 52 minutes pour tout dire », et que faute d’avion, il faut bien la télé de temps à autre pour vous donner des ailes, surtout en politique.

Alors « Gérard », de se permettre tout de go  le journaliste en chef. Je ne te dis pas. Une familiarité à vous couper le souffle illico. Il y aurait donc connivence entre l’interviewer et l’interviewé ? Comme il y va, de se dire le téléspectateur douillettement calé dans son fauteuil en cuir de vachette (pour celui qui en a un, évidemment). Tu imagines un peu l’effet dans ce genre d’émission à vocation réflexive ?. Tu réalises l’effet sur les ondes d’un « Salut Claude », en s’adressant au Préfet, « alors Marc », en s’adressant au Président du Conseil général », « Hello Karine », en parlant au Maire de Saint-Pierre, « père Denis », au Maire de Miquelon ?

Bon. Que nous nous permettions ces fantaisies parce que ce sont nos représentants à nous, qu’ils nous apportent cette dose d’affectivité dont nous avons besoin, ce qui nous incite à les tutoyer, même si on ne le fait qu’en pensée, passe encore. Mais pèse, soupèse cette différence cathodique entre «  Bonsoir Gérard, quelles sont les dernières nouvelles du Palais-Bourbon ? » et « Monsieur le député, bonsoir ; pouvez-vous nous dire quelles sont les dernières nouvelles du Palais-Bourbon ? ». Tu sens bien que l’interviewé ne te regardera pas de la même façon. Car dans ce qui nous occupe maintenant, Gérard (notre député à nous), il a paru étonné. Et il n’a pas manqué de rectifier le tir. « Monsieur Bernadelli », aura-t-il recadré, en se permettant malgré tout un « Frédéric » à un jeune journaliste de chez nous, ce qui n’aura pas empêché ce dernier d’éviter de tomber dans le panneau.

Bref, parce que j’en arrive à la fin – je ne vais pas te demander 52 minutes de lecture tout de même – notre député nous est apparu à la hauteur, bien dans ses pompes, solide sur ses dossiers, déterminé, ce qui est de parti pris, je te dirai. Normal, t’ajouterai-je ; il s’agit tout de même de politique. Et pourquoi ne pas dire du bien quand on le pense ? Parce qu’en politique, on doit taire ce que l’on pense ? Allons, allons, lâche-moi la bride, veux-tu. Je ne suis qu’un chroniqueur, après tout. Quoi qu’il en soit, j’en prends mon parti.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
18 novembre 2003