Chronique du 28 décembre 2003

Tiens, c’était beau, touchant comme dans les films de Noël où ça commence par la misère, le froid, la neige, un père qui boit, la mère qui trime, le premier amour impossible, les coups du sort, et puis le rideau de l’impossible qui se déchire, le soleil, les violons qui y vont de leur vibrant hommage à l’amour et le tout qui va si bien dans ce meilleur des mondes qu’on se demande pourquoi on s’est farci plus d’une heure quinze de misère au lieu de zapper sur les minutes finales de bonheur ultime.

T’as pas déjà vu ce genre de film, toi ? Ça se passe souvent en Angleterre, au XIXe siècle, à l’époque où l’euro n’existait pas.

C’est donc « Jean-Pierre Raffarin a accompagné, dans la nuit de lundi à mardi dernier, la tournée nocturne d’une équipe d’Emmaüs auprès des SDF dans le quartier des Halles. » s’émeut Le Figaro dans son édition du 26 décembre 2003. « Le premier ministre tenait ainsi à marquer la «solidarité» des Français avec les exclus et à «saluer les militants associatifs qui se consacrent à la souffrance des autres ».. C’est-i pas beau, ça ? C’est pas comme dans les films américains ?

Ça n’a pas empêché l’abbé Pierre, le fondateur des Compagnons d’Emmaüs, de pousser un nouveau coup de gueule, comme il l’a fait… le 1er février 1954 ! « Oui, il faut le crier : Assez d’indifférence ou d’aveuglement ! Agissons tous, où que nous soyons, pour interdire que soit encore, cette année, réduite la construction de logements et sauvons par priorité les logements sociaux à la portée des plus démunis. » Car qui réduit les budgets sociaux en France, hein ?

1er février 2004, ça fera 50 ans. Et rien de neuf dans la froidure de la misère. A part faire des films avec leur trogne ou le dos rond à l’occasion, à quoi ils servent nos gouvernants ? Allez, Raffarin, encore un petit effort… C’est pas toi qui t’occupes des budgets par hasard ?

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
28 décembre 2003