Chronique du 11 janvier 2004

Allez, je reviens sur les vœux du Maire de Saint-Pierre. Bon, je te signale au passage que si quelqu’un écrit c’est pour être lu et que si quelqu’un (d’autre) écrit sur ce qu’il a lu, c’est que celui-là ou celle-là (le premier ou la première qui écrit) pourra se dire qu’il (ou qu’elle) a été lu(e), tout en lisant (éventuellement) ce qui a été écrit sur ce qui a été lu. Et je ne t’en dis pas plus.

« Il serait temps, écrit le Maire dans ses vœux, que les forces vives de Saint-Pierre et Miquelon puissent travailler sereinement, dans l’intérêt général, car des dossiers importants demandent l’adhésion de tous, sans arrière pensée de profit personnel. »

Reprenons quelques extraits.

 « les forces vives » – ne penses-tu pas, ô lecteur, que les forces sont plutôt sur le qui-vive ?

 mais qui sont « les forces vives » ? Ne sont-elles pas souvent des faiblesses qui nous laissent sans force ?

 « dans l’intérêt général ». Mais où est l’intérêt général quand on finit par se dire en ce millénaire déjà bien amorcé que la vie est une course à la satisfaction d’intérêts particuliers ?

 « des dossiers importants demandent l’adhésion de tous ». Quels dossiers ? Pour quelle adhésion ? De tous ? C’est-à-dire nous, donc y compris des forces moins vives, sinon il eût été écrit « toutes »…

 « sans arrière-pensée de profit personnel ». Notre société ne nous apprend-elle pas d’abord à nous battre pour des buts lucratifs ? Mais tout dépend de qui fait partie des « forces vives ». S’il s’agit de bons samaritains qui ont fait vœu de pauvreté, passe encore. Mais si les forces vives, c’est tout le monde, faut pas rêver. Et si les forces vives c’est pas tout le monde, qui décrète qui en fait partie ou pas ? Ce serait de toute manière méprisant pour les exclus. Tu n’en penses pas moins, j’imagine.

Il n’en demeure pas moins, comme le dit le maire à juste titre, qu’ « il serait temps que les forces vives de Saint-Pierre et Miquelon puissent travailler sereinement, dans l’intérêt général, car des dossiers importants demandent l’adhésion de tous, sans arrière pensée de profit personnel. » A condition de savoir qui sont les forces vives, comme je te le disais plus haut. Tu vois bien que le maire a raison de faire un vœu.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
10 janvier 2004