Chronique du 27 janvier 2004 (2)

C’était la « feria des pelles » ; je te mets ça entre guillemets, comme si ceux-ci étaient des couches de neige comme celles qui enveloppent maisons, voitures, jardins depuis le 26 janvier 2004. Marcher dans Saint-Pierre était un vrai régal en cette matinée d’accalmie du mardi 27. Partout des silhouettes, des capuches émergeant des buttes de neige, des pelles à foison et… la bonne humeur, comme un bain de jouvence hivernale.

 Elle est où ta camionnette ?

 Là, sous la neige.

Un tas, une forme arrondie, un bout d’antenne de 10 centimètres. La camionnette est là-dessous.

 Il faut que je dégage tout ça, pour ma tank à mazout.

Il lui faut du courage car la neige monte jusqu’au toit sur toute la largeur.

 Je ne me souviens pas d’autant de neige.

 Il paraît qu’il faut remonter à 1970 pour en avoir eu autant.

 Regarde la montagne, on ne voit plus les rochers. C’est la première fois que je vois ça comme ça.

Les gens s’interpellent, on marque une pause entre deux coups d’pelle, on s’appelle, la fraternité a envahi les rues. L’entraide est au rendez-vous ; souvent il aura fallu choisir entre une foultitude de priorités, les engins font leur travail ; peu de voitures dans les rues ; la ville s’emplit des voix des pelleteurs.

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 Il paraît qu’il va neiger ce soir.

 Ça a dû marcher les affaires pour les pelles à neige.

 Beau temps pour prendre des photos.

 Y’en a qui trouvent ça bien, moi j’me fais vieux…

 Un temps pour prendre ses raquettes.

 Dommage que les écoles ouvrent cet après-midi.

Car il y a comme un pincement au cœur de savoir que ce moment féerique va s’estomper.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
27 janvier 2004