Chronique du 3 janvier 2004

Bon, t’es peut-être pas au courant si t’as pas la radio ou la télé (eh oui, tu peux être une espèce en voie de disparition) ou si tu captes pas Saint-Pierre et Miquelon, nous sommes en pleine période d’inventaires. Ouf ! On saura bientôt combien il reste de vis chez le quincaillier, de strings chez le déshabilleur, de fromages périmés dans les étals et de bouteilles bouchonnées chez le marchand de spiritueux. Mais si t’as un besoin pressent, peau de bite ; il faudra qu’t’attendes.

Pour combler ce manque de dépenses inutiles auxquelles tu ne manqueras pas de répondre quand viendront les soldes, je te livre « ma part d’inventaire », comme dirait si bien Marie-Noëlle Lienemann. Tu ne te souviens pas d’elle ? Ah merde, alors, elle va être déçue.

2003, c’est fini. Il nous reste pourtant :

 un président de conseil général avec tous ses conseillers

 un maire de Saint-Pierre avec tous ses conseillers

 un maire de Miquelon avec tous ses conseillers (sauf s’il n’écoute pas leurs conseils, d’après ce qu’on a compris)

 un préfet, n’en déplaise au président du Conseil général

 des dettes (qui n’en a pas ?)

 des illusions (tu peux rayer, si tu y tiens)

 un incinérateur avec un petit chat (en métal) noir au-dessus de sa gueule béante en train de nous faire « miaou »

 des trous dans les rues (on a investi à long terme)

 un hôpital (celui qui est considéré comme un danger public)

 l’enclavement portuaire et aéroportuaire (faut bien laisser des trucs à dire pour les politiques)

 des économies sur le dos des personnes âgées (tu ne crois tout de même pas que les retraites vont augmenter)

 RFO, (mais pour combien de temps ?)

 l’imprimerie du gouvernement

 l’Ec… (ferme ta gueule, répondit l’écho)

 un député (Chirac a déjà dissous, et un président qu’a dissous, ça vaut quoi ?)

 un sénateur (mais plus pour longtemps)

 un évêque (à qui personne ne cherche des crosses, je te le dis en passant)

 des chiens errants, des chiens dans des cabanes à chiens, avec ou sans pilotis)

 le temps (faut bien un sujet de conversation)

 etc… (occupe-toi du etc…).

Je ne te parle pas du patrimoine qui fout le camp malgré les apparences, de la culture (qui est ce qui reste quand on a tout oublié), de la morue qu’on n’a plus (ou si peu), de la continuité territoriale qu’on n’a jamais eue, ni de la fraternité qui est avec l’égalité ce qu’est la liberté pour celui qui a contracté trois emprunts + un paiement en trois fois de son frigidaire + un emprunt spécifique pour sa bagnole + un dépassement pour son dernier voyage + une liasse de contre bons chez l’épicier.

Samedi 3 janvier 2004, les boulangeries seront au moins ouvertes si bien qu’on pourra marcher comme d’habitude… à la baguette.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
2 janvier 2004