Patrice Lacaud, “Même pas mal”

Le disque s’ouvre sur un accord de… guitare, puis vient la voix… En route vers la découverte. Car Patrice Lacaud, je le connaissais déjà vu qu’il est venu deux fois à saint-Pierre et Miquelon aux côtés de Marc Robine. Mais Patrice jouait de… l’accordéon. Le voici lancé dans l’aventure de ses propres chansons ou de textes auxquels il aura apporté la musique. Il m’avait parlé de ce projet en voie de concrétisation lorsque nous nous sommes rencontrés en octobre 2003 pour la soirée hommage à Marc Robine à la Maroquinerie, dans le XXe arrondissement à Paris.

15 chansons, il a fait fort le bougre. Alors disons ce qui m’a séduit d’entrée. Une vie avec de multiples facettes comme celle que chacun de nous expérimente sans retour possible, avec les hauts, les bas, les amours, les désirs, les rêves, les amis, le quotidien. J’ai beaucoup apprécié le vis-à-vis de deux chansons intimes qui se côtoient, l’une portée par la voix et le regard de Lysiane, l’autre adressée aux parents : « Vous auriez bien aimé / Que je sois bien rangé (…) / J’ai croisé une belle fille (…) Vous vous posiez des questions / Y’a un bail ; qu’on a l’même nom ». Il y a là comme un condensé très fort d’une tranche essentielle de la vie. Et puis “Didoue” vient encore renforcer le point d’ancrage dans le rapport à l’être aimé : « Pour nous couper le cordon / Je ne vois qu’un bûcheron ».

Mais la vie c’est aussi ce qui se passe dans son environnement et Patrice Lacaud n’oublie pas le sien. « Quand la sirène a retenti » où il évoque la fermeture de l’usine, source de l’activité phare « de la Bâtie De La Roche ou de La Bessée » m’a fait immédiatement penser au démantèlement de notre activité de pêche. « Le tourisme s’est développé »… Eh oui ! C’est fou comme on pousse tout le monde à folâtrer de ville en village, d’îles en espaces infinis, pour faire tourner les boutiques, vu qu’on détruit si souvent les outils de travail de tant de gens.

Le « vélo rouge » de l’enfant de dix ans m’a fait rêver. Patrice Lacaud avait dix ans en 1968 et l’école était en grève, occasion rêvée de prendre les chemins forestiers. « Soixante-huitard c’est bien joli / Qu’est-ce que t’as appris à tes p’tits ». J’aime bien ce passage. Que pourrait en penser Serge July ? La mise en forme musicale de cette chanson m’a plus dans son dépouillement mettant ainsi la voix de Patrice Lacaud en relief dans ce retour tout en nuances sur l’enfance.

Et puis « le solo de cabrette » m’a diverti : « On allait voir La Bamboche et on faisait la bamboula ». S’ouvre alors le temps des premières expériences musicales, des premiers cachetons, des vrais plaisirs. Tiens, dans la foulée, j’en ai profité pour réécouter deux 33T de la Bamboche des années soixante-dix.

Puis j’ai été touché par « Pyjama bleu ciel ». C’est fou comme cette chanson m’a révélé « toute l’étendue » des « sortilèges » qui nous lient à ceux qui sont soudain « lâchés par les fées »… Car vois-tu, cher lecteur, le lien qui nous unit à l’autre, on le ressent souvent d’autant plus fortement qu’il est sur le point de lâcher, à cause de ce fameux grand saut qui nous attend tous.

Les chansons s’enchaînent, les rythmes sont variés, Patrice Lacaud s’est entouré d’excellents musiciens, variant ainsi d’autant plus aisément les atmosphères., comme dans ce moment de pause avec Chipie le chien et Tom le chat « Toutes les fins d’mois sont difficiles / Infos d’vingt heures, j’en perds le fil / Guerre et violence c’est gratiné / Ça fait du bien de vous flatter ».

Et l’album se termine au « bistrot » : « Dans mon bistrot, c’est du bon temps / Qu’on passe ensemble en rigolant / On se dit tout, on se dit rien / salut les gars, à d’main matin ». Ultime mot, dernier salut, nouvelle invite. Car au bistrot il y a la vie sans prétention et « des mots vrais qui sonnent le temps ».

Un beau disque assurément, porté par la sincérité des sentiments et la passion pour la chanson.

Henri Lafitte, Chroniques musicales
4 janvier 2004

Patrice Lacaud, « Même pas mal »
Fonzes 02
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