Et dire que l’on se lamente souvent de la désaffection pour ces boulots que l’on juge moins nobles, chez les bourgeois surtout, au cours des « think tank ». Plus personne de nos jours ne veut être plombier !
Allez, je te conseille Chelon, Georges de son prénom et son dernier opus, « Chansons à part ». D’entrée de jeu tu as le droit à l’antidote de ce qui vient empoisonner tes rencontres réflexives, tu sais toutes ces réunions qui ne servent à rien. « Il n’y a plus personne dans la salle à manger / Voilà qu’on m’abandonne à peine je tourne la tête / Quand j’entends comme un bruit dans la chambre à coucher / C’est l’appel de l’amour,…. j’enlève ma salopette. »
Pour qui suit l’œuvre de Georges Chelon, cela peut surprendre, quoique cela te prouve immédiatement le foisonnement d’écriture chez ce poète. N’y a-t-il pas comme un écho du libertinage du Siècle des Lumières dans la chanson au piano claveciné intitulée « La coccinelle » ? « Il souffle une petite brise printanière / Et pourtant vous respirez difficilement / Eventaillez-vous, donnez-vous un peu d’air / Dépigeonnnez-vous si c’est insuffisant ». Allez ces mots valent bien en effet cette réminiscence musicale de « Perrine était servante ». De la finesse, je vous dis, jusque sur la portée. Ambiances, clins d’œil à l’histoire varient comme dans « la clef » perdue de la ceinture de chasteté. Chansons légères donc, « chansons à part », comme le proclame le titre générique de l’album.
En ces temps de retour forcené à la morale, des interdits, des chevaliers de l’ordre nouveau – tu ne fumeras pas ! tu ne boiras pas ! tu ne baiseras pas ! – qu’il est bon de se laisser aller, car l’aventure humaine n’est-elle pas aussi « le jeu des hormones / le grand jeu de la vie » quand la testostérone et la progestérone « qui font les femmes et les hommes / Et naître les petits / Qui font pousser les doudounes, et Popol / Et les poils aussi ! » ? Enfin ! Ne plus avoir peur des « rimes en « ouille » / En « Ule », en « ine » » qui font peur à « Maryse » dans la chanson de Chelon mais à tant à d’hypocrites professoraux aussi.
Un album qui vous redonne la pêche quand la vie se réduirait si l’on suivait certains à « la fonction urinaire » et quelques autres fonctions du même tonneau. Chantons avec l’ artiste la beauté de ce couple, ce couple si ordinaire « comme on en voit souvent / Il laboure derrière, elle pompe devant ! » Goûte à ce petit calisson de contrepèterie dans « Berthe et Jeannot »! « Parfois, ils se promènent, ils vont jusqu’à l’étang / Quelle belle berge verte, nous avons là vraiment / Elle opine du chef, amoureusement / Elle s’appelle Berthe, évidemment ! »
Et pour les pisse-vinaigre, les malbaisants, les malbaisés, les donneurs de leçons à férule rabattue, une petite méditation sur « la métamorphose » : « C’est fini, on aigrit / On s’bête, on s’entarthrose / On r’foule, on s’presbytie »… T’en n’as pas rencontré des comme ça, ô lecteur avide de plaisirs, d’amours, de gambades et de fausses confessions pour sauver la fesse…, la face, pardon ?
Henri Lafitte, Chroniques musicales
4 février 2004-02-04
Georges Chelon, Chansons à part
EPM 3016781
Disponible à titre indicatif : www.epm.fr – www.fnac.com
Et sans doute ailleurs…