Chronique du 24 février 2004

Bon, c’est vrai, je n’ai rien écrit depuis une semaine; mais on ne va pas en faire un fromage, tout de même, vu qu’en parlant de fromage, au prix où on le paie ici, imagine le résultat :

 un max de bénef pour celui qui produit ;

 un coût prohibitif pour celui qui achète.

D’accord, tu me diras qu’entre nous il s’agit d’un simple troc :

 j’écris mes chroniques ;

 tu les lis si tu en as envie.

Et tout ça pour peau de balle sauf :

 ce que tu dépenses en temps de connexion si tu utilises un modem ;

 la fatigue oculaire si tu n’as pris soin de consulter un oculiste ;

 la bière qui t’attend dans le frigidaire.

Je ne te parle pas du petit lait dont tu fais l’économie puisque tu le bois en me lisant, ce qui nous ramène au fromage.

Car l’élément nouveau est que pour la première fois un édile, une édile devrais-je dire, de notre communauté où le fromage est si rare que lorsqu’il y en a on est prêt à se le disputer à couteaux tirés, notre maire de Saint-Pierre s’alarme du prix du frometon à Saint-Pierre et Miquelon. « Quelqu’un a-t-il calculé le prix d’un plateau de fromages ? » demande-t-elle dans son éditorial de l’Echo des Caps du 20 avril 2004. Car si l’on en croit le comité de suivi des prix à la consommation, la hausse de l’indice pour 2003 n’aurait augmenté que de 2,03%. « Lorsque je passe à la caisse avec mon caddy chaque semaine depuis un an, écrit madame la maire, la hausse qu’accuse le montant de mes chèques ne correspond à rien de tout cela ».

Et là, je suis d’accord avec notre maire, le père. Car sur ce roc fort on nous prend pour des bleus, je te le dis. « Pour avoir une idée précise du coût de la vie dans l’Archipel, en des termes qui parleront aux lecteurs ou aux auditeurs, ne pourrait-on pas se pencher sur le panier de la ménagère et sur certains autres éléments incontournables comme le fioul, l’électricité et le gaz ? ». Mais bon sang, bien sûr. Et personne n’y a encore pensé. D’ici à ce qu’on nous rétorque que, bon, d’accord, le problème est que la ménagère n’a plus de panier vu qu’on utilise maintenant des sacs en plastoc, et que l’étude n’a donc pas pu se faire, je ne serais pas surpris.

Bon, t’en fais pas, il y aura toujours quelqu’un pour faire de beaux camemberts sur son ordinateur, afin de préparer une table ronde où l’on mettra les petits plats dans les grands, histoire d’alimenter la conversation, pendant que la petite vieille avec son augmentation d’une poignée d’euros qu’on lui aura immédiatement sifflé par l’augmentation concomitante de sa mutuelle finira par demander à son épicier : « les nouilles, vous les vendez au détail ? »

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
24 février 2004