Chronique du 27 février 2004

Le monde a peur, n’est-il pas vrai ? J’ai peur d’avoir oublié de te le rappeler. A croire que le 11 septembre 2002 a remplacé la naissance de Jésus-Christ. D’ailleurs l’année même s’estompe ; on parle du 11 septembre ou du « nine one one », comme tu veux, pour fixer l’avant et l’après. A tel point qu’il aura fallu un film de Mel Gibson pour rappeler l’existence du grand truandé. (par qui? je te le demande)

Il n’empêche, au sortir de la salle de cinoche, tu sais que tout ça c’était du cinéma et tu retombes dans la réalité de l’après-septembre. Car il n’y a plus d’avant, comme il n’y avait plus d’après à Saint-Germain des Prés.

Les tours sont tombées et Bush a joué le rôle du fou de service sur l’échiquier perturbé. Il faut avoir peur de tous ceux qui ne sont pas Américains, a-t-il voulu nous inculquer. Ayez peur, braves gens. Et Bush – oubliant sa peur au ventre le jour de l’attentat – de se présenter comme le Garde-Chiourme de nos angoisses planétaires.

« Le monde a peur », chante Georges Chelon.

« Tous abris », d’écrire Michaël Moore. Parallélisme d’écoute et de lecture.

D’abord, la chanson de Chelon, « Le monde a peur ».

Et puis le dernier essai de Michaël Moore, « Tous aux abris ». Car vois-tu, ô lecteur – et je ne vais pas te rassurer, je te l’assure – le monde se goure de trouille. Tu as peur de Ben Laden, n’est-ce pas ? Et de Georges W. Bush alors ?

Et pourtant. Il a envahi l’Irak parce que Saddam Hussein était le grand Satan détenteur d’armes de destruction massive. Et aujourd’hui, tout le monde sait qu’il s’agissait d’une immonde supercherie. De quoi avoir Blair dans le nez pour avoir soutenu Georges W. jusqu’au bout de l’innommable.

Bassorah était une ville portuaire ouverte, où l’on pouvait faire du commerce, malgré tout, du temps der Saddam. Aujourd’hui, des commandos extrémistes massacrent ceux qui vendent de l’alcool ou des cassettes vidéo, nous apprend le Globe and Mail dans son édition du 27 février 2004. Merci Georges d’avoir ainsi favorisé la libre entreprise.

Alors, je te conseille de lire le dernier bouquin de Michaël Moore. Et si tu n’as pas envie que Georges W. attrape une déculottée, c’est qu’il est urgent de songer à des verres correcteurs. Comme ça tu pourras mieux voir la réalité en face quand tu auras la mort aux trousses.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
27 février 2004

Michaël Moore, Tous aux Abris ! Editions la Découverte – 2003