Chronique du 3 février 2004 (2)

Ce qu’il y a de dramatique avec « l’Actualité », c’est qu’un événement scabreux à haute valeur journalistique ajoutée vient souvent propulser aux oubliettes un autre événement beaucoup plus dramatique celui-là, terriblement humain mais tellement peu accrocheur.

L’abbé Pierre avait cependant toutes ses chances dans son effet d’annonce, 50 ans après, pour dénoncer une nouvelle fois la misère, l’incurie des gouvernants, le scandale des sans-abri ; les medias étaient d’ailleurs prêts à jouer le jeu. Car l’abbé Pierre peut attirer les caméras. Mais il y a eu l’affaire Juppé. Viré, l’abbé Pierre ! Les tripatouillages du politique auront raison illico de l’amour du prochain et de la solidarité, la vraie, celle du terrain, y compris à l’égard de ceux qui ne votent plus.

Et il faudrait pleurer sur le sort d’un chef de partisans (dans le dévoiement du mot), « respectueux de la justice » (condamnation oblige, je te ferai remarquer), un « homme de qualité », que la France n’a pas vu, peut-être parce qu’il y avait trop d’exclus du confort douillet, trop de privés de télé pour s’en apercevoir, trop de misère humaine loin des ors du pouvoir.

Le maire de Paris, Bertrand Delanoë a dénoncé un «système de détournement de fonds publics au profit d’un clan» ; il a exigé la «restitution des salaires des employés fictifs qui s’élèvent à quelques millions d’euros », de quoi aider certainement à résoudre la crise du logement de ceux qui, privés de toit, n’en ont rien à foutre du sort d’Alain Juppé.

Car il y a les affres et les affreux de la politique dans les affaires de droite et de gauche, propres (mais sales) à accentuer le désespoir de ceux qui n’en sont plus réduits qu’à implorer : « Plus près d’un toit, mon Dieu… »

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
3 février 2004