Et le Grand Jacques, toujours présent

Ces gens-là, Jaurès, les bourgeois, les bonbons, Madeleine,,,, les chansons se succèdent en ce 11 février 2004 à Saint-Pierre et voilà l’œuvre de Brel qui ressurgit comme par enchantement. Sur scène, à l’invitation du C.C.S., Carrefour Culturel Saint-Pierrais, et du C.C.S., Centre Culturel et Sportif (eh non, je ne bégaie pas), et de l’Association Miquelon Culture Patrimoine, un artiste venu du Québec, Pierre Fournier, accompagné avec brio par Lucie Cauchon au piano et à l’accordéon.

Pierre Fournier se livre corps et voix maîtrisés à l’œuvre du Grand Jacques. Car il ne suffit pas de chanter ; chaque pièce du grand artiste disparu a sa propre mise en scène. Le regard et la gestuelle, l’intonation et l’intensité de chaque vibration portent les mots décapants, campent les personnages, dénoncent la bêtise et l’hypocrisie, propulsent les émotions. Et Pierre Fournier réussit d’entrée à captiver l’auditoire, pour le laisser ravi, une trentaine de chansons plus loin sur un « Quand on n’a que l’amour » afin de nous faire partager ce « monde entier » dont on a tant besoin.

Car là est le tour de force de l’interprète, soutenu par une instrumentiste de grand talent qui trouve chaque fois la note juste, l’amplitude nécessaire, voire le souffle de l’accordéon retenu ; il porte, il est porté par l’œuvre de Jacques Brel, il est dans la voix même un peu de notre Grand jacques, mais il est aussi lui-même, désireux de ne pas trahir, emporté lui aussi par sa sensibilité qu’il sait nous faire ressentir et le public ne peut qu’être conquis par sa justesse, sa sincérité et par un spectacle très bien cadencé où l’articulation même entre chaque pièce est délicatement chevillée.

« Je suis un mort / Encore vivant ! » chantait Jacques Brel. Et Pierre Fournier était à Saint-Pierre en cette belle soirée d’hiver pour nous le prouver.

Henri Lafitte, Chroniques musicales
12 février 2004