Chronique du 18 mars 2004

Je ne sais pas pourquoi, ô lecteur bien-aimé, alors que je me croyais pris dans l’oscillation effrayante entre athéisme et agnosticisme – les deux pôles de l’incertitude quand les missels ont perdu toute leur saveur -, me voici, me voilà, submergé d’un delirium transcendantal à l’écoute de nos représentants insulaires interrogés dans la courette du Ministère de l’Outre-Mer,en ce 17 mars 2004, après une rencontre tellement fructueuse entre les conseillers techniques et nos « fers de chaude lance » (que penses-tu de ce groupe nominal, ô Toi, mon lecteur, mon frère ?) qu’on se demande pourquoi on n’organise pas des garden-parties plus souvent, ce qui nous éviterait de déjanter pour brûler des pneus dans une totale inconscience devant une préfecture qui – au passage – mériterait qu’on la repeigne tant elle est susceptible d’occuper une place privilégiée sur une carte postale. A Hollywood comme en Tunisie on ne lésine pas sur le décor.

Je me suis dit – et là tu vas réaliser à quel point je déconne – on ne pourrait pas – après le nom des Onze Mille Vierges et celui de Saint-Pierre et Miquelon – rebaptiser nos îles « l’Archipel des Béatitudes ». Comme icônes, on aurait le Sénateur – toujours heureux -, le Député – forcément satisfait – le Président du Conseil général, la Maire de Saint-Pierre, nouvellement convertis -, le Maire de Miquelon, croyant parmi les croyants, et le Préfet chargé de leur donner l’hostie des quatre jeudis et l’absolution pour les capitaux (cherche le mot manquant).

Comment ne pas être transporté d’une joie interstellaire à l’écoute du compte-rendu de la réunion parisienne dans les bureaux de notre Ministre que si on ne la qualifie pas de « sainte » on mérite un coup de pied occulte ? Car nos élus n’auront enfoncé que des portes ouvertes puisque rien n’était fermé. Et dire qu’il suffisait de regarder sous le paillasson pour trouver 20 millions d’euros.

Veille toutefois à la façon dont on te taxera si d’aventure tu vis sur les îles. De con, c’est une quasi certitude, mais ce n’est pas ce qui fait le plus mal au portefeuille.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
17 mars 2004