Chronique du 2 mars 2004

Tu te rends compte de toute cette flotte que l’on aura bue avant qu’elle ne soit traitée ? Des T Bone steaks de l’Alberta que nous aurons mangés ? De l’amiante que l’on aura utilisé ? De tous les produits à la date de péremption dépassée que l’on aura ingurgités ? Du Bologna et des Wieners que nous aurons bouffés ? (permets-moi ce verbe, en l’occurrence) De l’air de l’incinérateur que nous aurons humé ? Des congelés décongelés recongelés qui auront abouti dans nos paniers ? De l’inconscience qui nous aura gouvernés ?

« ES » ou « Maladie3 de la vache folle », « l’outil réglementaire sur l’Archipel a été adapté » titre l’Echo des Caps dans son édition du 27 février 2004. Ouf ! On mourait… d’inquiétude. Alors, si la santé te le permet, creuse toi la cervelle et récapitule les tranches de Bologna, les Wieners, les T.Bone steaks qui ont fini dans ton estomac et dis-moi si tu es toujours dans ton assiette. « Ces produits sont interdits », prévient le service de l’Agriculture. Où est le temps où le président de la république apparaissait comme le parangon de la tête de veau ? Et tout ç a à cause des farines animales ! Mais où avions-nous donc la tête ? Ça ne te la chiffonne pas, hein ? Les Français sont tous des veaux, disait le Général de Gaulle. Et contaminés avec ça. Donc plus question de trouver sur le marché le ris de veau, les T. Bone du Canada (mais tu peux écouter T. Bone Walker, ça ne fait pas mal à la tête), de la rate, de la cervelle, des intestins de bovins et autres caprins, de la moëlle épinière dans les côtelettes. Mais comment repérer s’il y a ou s’il y a eu de la moëlle épinière dans les côtelettes ? Tu le sais, toi ?

La vache, ça fait faire un effet bœuf ! Tu pourras toujours te rabattre sur les poulets à condition qu’ils n’aient pas chopé la grippe. Le cochon est sans risque. Ça ne m’étonne pas. Servir du lard ou du cocon, c’est toujours la meilleure façon d’être altruiste, non ?

« Nous devons maintenant rester vigilants », dit le service de l’Agriculture. Le « maintenant » est important ; hier, nous ne l’étions pas.

Alors, dis-toi en levant les bras au ciel que si tu es victime un jour de dégénérescence, tu ne pourras pas te souvenir à partir de quel moment tu aurais dû faire gaffe. Ce sera une consolation.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
2 mars 2004