Chronique du 27 mars 2004

Palsambleu ! Miquelon peut consommer à nouveau de l’eau traitée ! Le comble, c’est que ça ne coule pas de source, vu que précisément, l’eau avait besoin d’être traitée. Même le réservoir nous piquait une déprime, de nous signaler l’Horizon, le mensuel de la grande île, dans son édition de mars 2004 en titrant avec humour : « La station fait une dépression ».

A Saint-Pierre, comme à Miquelon, les histoires d’eau ont remplacé celles du whisky depuis belle lurette. Difficile aujourd’hui pour un père de famille de chanter « Ma petite est comme l’eau, elle est comme l’eau vive », sans arrière-pensée. Il risquera fort de tomber sur un magistère sentencieux qui lui assènera sans ambages : « Il faut surtout que ça se décante pour votre fille, mon cher monsieur! » De quoi lui faire avaler de travers sa dernière gorgée.

Rien n’est simple désormais. Signe des temps ? L’on boit de plus en plus souvent sur l’Archipel un whisky sec, ou sur glace, un malt bien fûté. Rejet progressif de l’eau traitée et de son goût javellisé ? Réflexe d’économie vu le prix de l’eau en bouteille ? Tant qu’à se rincer la glotte, aussi bien éviter l’eau qui vous trouble les papilles à force d’être traitée. Car, dira-t-on au mieux, cette eau potable n’est que potable ; elle n’est pas bonne.

Boire de source sûre s’inscrit désormais dans les impératifs du quotidien. Prends ça et bois de l’eau, disait-on à quelqu’un de mal informé. Plus facile à dire qu’à faire, sans y mettre le prix, aujourd’hui. Et l’acte de la ménagère ne consiste-t-il pas à s’assurer en permanence que le robinet qui se présente entre ses mains ne lui file pas des maladies honteuses ?

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
27 mars 2004