De la chatte de la voisine aux angoisses planétaires

Quoi de plus naturel dans notre mini espace insulaire que de s’intéresser aux va-et-vient de la chatte de la voisine, l’œil collé au vasistas d’hier comme à la bow-window d’aujourd’hui ? La bay-window comme on dit d’ailleurs, à ne pas confondre avec l’abbé Window qui pourrait toujours attendre à la porte.

Mais l’horizon s’élargit ; avec lui les angoisses s’élargissent et s’amplifient. Certes le réchauffement de la planète peut n’être assimilé qu’à une vue d’esprits échauffés si l’on ne retient que nos deux hivers 2003 et 2004. Peut-on toutefois écarter en deux coups de cuiller à pot la montée des eaux possible si la menace se confirmait ? Depuis les attentats du 11 septembre 2001, peut-on être indifférent à la montée des périls de par le monde ? Comment ignorer le spectre de la pollution ? Certes l’affaire de la COGEMA poursuivie pour «pollution de l’eau, abandon ou dépôt de déchets contenant des substances radioactives» paraît bien lointaine ; n’aurait-on pas tort de se croire à l’abri ? Difficile de voir, sous l’ondulation bleutée de la nappe océane, la mer poubelle source de menaces trop ignorées.

Mais voilà qu’on nous annonce l’extinction possible, voire probable, de la morue, notre origine existentielle ! Espèce en voie de disparition ? Etape vers la disparition d’une autre espèce, la nôtre ?

« Le comité sur la situation des espèces en péril au Canada, le COSEPAC, a classé, en décembre dernier, trois populations de morue du golfe du Saint-Laurent. Selon les spécialistes du comité, la morue du nord de Terre-Neuve est en voie de disparition, celle pêchée autour de l’île d’Anticosti est menacée d’extinction et la situation de la morue au sud des îles de la Madeleine est préoccupante. Le COSEPAC recommande au ministre des Pêches de placer la morue sur la liste officielle des espèces en péril », précisait Radio-Canada le 16 mars 2004

La recherche désespérée de quotas par les politiques pour les travailleurs de la mer ne permet pas d’escamoter la gravité du pronostic. Des erreurs monumentales commises au niveau de la planète ont aujourd’hui des effets douloureux sur les communautés, si petites soient-elles.

La prise en compte de ces nouvelles réalités nécessite un courage digne des plus grandes épopées, histoire de voir en l’espèce plus loin que la chatte de sa voisine. L’avenir de l’Archipel, un cas d’espèce ou d’espèces ? Là est la question.

Henri Lafitte, 26 mars 2004