Jean-Jacques Milteau, Blue 3rd

Te voilà embarqué dès les premières notes dans une rythmique soutenue, dans l’articulation sans faille entre harmonica, l’instrument maître de l’opus,avec à la clef, guitare, orgue, tuba, trompette, basse, batterie et percussions, invité à partager à fond les manettes ce « Blue 3rd » de Jean-Jacques Milteau que nous aurons eu l’occasion d’entendre un jour – mais le temps passe – à Saint-Pierre et Miquelon. Manu Galvin, ce guitariste aux accents bluesys bien assurés, est toujours présent, mais la troupe est étoffée. L’ensemble te convainc d’entrée avec ce Blue 3rd de Jean-Jacques Milteau et Benoît Sourisse. Puis vient une ambiance plus jazzy, plus feutrée, mélange de mélancolie mais de renouveau aussi. « Only the lonely knows what it’s like / Returning to my room at night » ; « But I know the lonely are bound to see the light ». Car non, il ne s’agit pas de se laisser aller. Une voix féminine porte ce beau titre, celle de N’Dambi. Et tu te laisses porter par ce qui suit, dans une alternance entre des pièces instrumentales et des titres où toute la place est laissée aux textes – en anglais, of course – et les voix. Comment rester insensible au sax baryton de « Turtle wax », à l’orgue de Benoît Sourisse ? Ça sonne, ça klaxonne, ça barytonne, ça t’étonne, ça détonne.

Et puis les vocaux sont convaincants, tantôt masculins, tantôt féminins. L’esprit du jazz, du blues, est bien là. L’album – enregistré au New Jersey – est superbement réalisé. Excellente prise de son, très belle présence de tous les instruments. Et l’harmo de l’Artiste qui te prend les tripes, et la guitare de Manu Galvin toujours si expressive. Tiens, ça valait bien un jour de pluie au New Jersey et un bon frottement de balais sur la caisse claire. Et puis quelques bonnes notes de piano. Vérifie, il pleut peut-être à ta fenêtre.

Nous sommes préparés pour les accents de « Daddys’s gone », de N’Dambi. « Daddy’s gone, he’s moved on / He don’t kiss ‘cause he’s gone ». Mais la tristesse, la séparation n’empêchent pas l’esprit du gospel et sa dynamique. Puis tiens, vient le temps d’un « Fishing blues » original entre harmo et tuba. Superbe ! Pourquoi pas un jour à Saint-Pierre et Miquelon ? Tiens, j’aurais bien entendu ce genre de musique du temps où l’on se rendait en procession pour soutenir nos pêcheurs.

Treize titres donnent toute sa consistance à ce très bel album, aux sonorités variées. Pas de monotonie, pas de lignes répétitives. Une solide dynamique tout au long d’un ensemble bien agencé, bien cadencé, qui fait que tu écoutes tout l’album sans marquer de pause. Ce « Blue 3rd » mérite le détour. « What a wonderful world » quand la musique est belle. N’est-ce pas Louis Amstrong ? C’est d’ailleurs le titre du dernier morceau.

Avec cet album, Jean-Jacques Milteau réussit à renouer avec la réussite de Memphis, son précédent album.

Ah ! Qu’il revienne sur nos îles ce Jean-Jacques ! Pour un fishing blues. Why not ?

Henri Lafitte, Chroniques musicales
2 mars 2004-03-02
Jean-Jacques Milteau, Blue 3rd,
Universal – Emarcy 980 749 5 – 2003
Internet : www.jjmilteau.com