Sur le ring de la vie

Ayant répondu à l’invitation de l’Echo des Caps d’écrire un petit article sur Claude Nougaro, suite au décès de ce grand artiste, j’ai attendu la parution du journal avant de le mettre à mon tour “on-line”. (H.L)


J’en étais à me dire que tiens, ma foi, c’était bien, des jeunes boxeurs de l’Archipel relevaient le gant, partaient se mesurer à l’extérieur, grâce à la détermination d’un adulte qui aura su insuffler l’esprit de la boxe à de fougueux émules. « Quatre boules de cuir », me mettais-je à chanter. Mais la vie ne prend pas de gants pour vous donner un uppercut. Nougaro est mort me dit un collègue, un ami – nous étions jeudi 4 mars 2004. Une nouvelle bousculait l’autre sur le ring de la vie.

Valeur du combat, du défi relevé quand il faut reprendre son souffle et partir à New York pour un nouveau combat, un nouveau départ, une nouvelle réussite. Tel est le témoignage du champion Nougaro. Pas question de monotonie, d’ondulation assouvie. Non ! Du swing, et des mots qui vous viennent des tripes et les délices fous de toutes les fantaisies du Verbe. Car celui-ci s’est fait chair à nouveau, dans l’écriture du chantre de Toulouse.

« Ô Toulouse ! » Accents du terroir, une écriture qui fait corps avec l’identité qui la porte, chacune nourrissant l’autre dans un rapport ininterrompu. Claude Nougaro rayonnait son Midi, le rose de la pierre, mais le mystère cathare, mais la douleur de l’homme en noir.

Boxe, swing,, jazz et java, chaleur de la terre, souffrance de l’incertitude aussi, volonté de déchiffrer le non-encore-écrit. Les textes de Nougaro rejoignaient nos univers intimes, dans la chaleur d’une voix, la force d’une présence scénique, le punch d’un artiste debout.

Le silence soudain ! Claude Nougaro n’est plus là. Est-il parti dans une « locomotive d’or » pour descendre dans « quelque gare divine » ? Et moi qui l’imaginais bien sur les planches de Saint-Pierre et Miquelon ! Tous les rêves ne se réalisent pas. Un jour « il faut tourner la page / Aborder le rivage / Où rien ne fait semblant / Saluer le mystère / Sourire / Et puis se taire ».

Et écouter l’Ange qui te tend une plume et te dit : « “C’est une plume d’ange. Je te la donne. Montre-la autour de toi. / Qu’un seul humain te croie et ce monde malheureux s’ouvrira au monde de la joie. / Qu’un seul humain te croie avec ta plume d’ange. / Adieu et souviens-toi : la foi est plus belle que Dieu. ” » (Nougaro, « Plume d’ange »)

Henri Lafitte, Chroniques musicales
5 mars 2004