“Un autre temps”

Ainsi donc les opérations « coups de force » à Saint-Pierre et Miquelon appartiendraient à un autre temps, du moins si l’on en croit Denis Detcheverry, Maire de Miquelon, Gérard Grignon, député et Georges Poulet, co-directeur de l’Echo des Caps, ancien élu municipal et gouverneur de l’Archipel, comme il le rappelait lui-même. Finie l’époque des mises à sac de mairie, de fenêtres brisées à la préfecture, de monceaux de poisson à la porte du représentant de l’Etat, des tombereaux de purin déversés au domicile d’un adversaire à des élections cantonales… La sagesse, enfin…!

L’occupation de la préfecture du 11 et 12 mars 2004 par le Président du Conseil général et la Maire de Saint-Pierre, accompagnés de leurs conseillers et des personnels de la mairie apparaîtrait comme un réminiscence d’une époque révolue, chargée des remugles de comportements jugés désormais comme indignes et inacceptables. Qu’apportait en effet cette épaisse fumée noirâtre recouvrant une partie de la ville, s’élevant des pneus brûlés par les forces occupantes, en-dehors de sa nocivité ? Geste dérisoire à l’époque des campagnes… anti-tabac. Ah ! Les beaux petits cancers, messieurs dames dans vos alvéoles chargés de fumée pour ne pas avoir abandonné le geste simple du briquet à la flamme joyeuse au bout de la cibiche désirée !

Car la population n’aura pas répondu à l’invitation pressante du Maire, réitérée par le Président du Conseil général, d’une mobilisation générale, d’une « ville morte », d’une manifestation massive. En-dehors des deux cents manifestants, la ville aura continué à vivre, personne n’étant dupe de l’issue de la confrontation. On obtiendrait ce qui était acquis d’avance, une énième réunion à Paris pour déterminer les futures réunions permettant d’enclencher les préliminaires des examens techniques préparatoires aux tables rondes chargées d’espoirs inassouvis, sans oublier l’augmentation inéluctable des taxes et autres impôts d’hiver, de printemps et d’été et qu’il ne restera plus que les feuilles morts à ramasser à la pelle.

Un autre temps, sans doute. Peut-on en déduire que les coups de colère massivement assenés appartiendraient au passé ? N’assiste-t-on pas à un désarroi grandissant, une angoisse de plus en plus refoulée, une ultime attente pour qu’enfin les prémisses d’un redémarrage économique se dessinent à l’horizon quand la brume se dissipera enfin ? Ou prépare-t-on des jours plus douloureux encore ? La colère ne prend jamais les chemins longuement mûris de la sagesse, rien n’étant jamais acquis à l’homme, « ni sa faiblesse ni son cœur », comme le chantait un autre Georges. Les manipulateurs du désespoir ne manquent jamais à l’appel.

Face à ces défis il est certes urgent de surmonter les errements du passé.

Henri Lafitte, 13 mars 2004