Biréli Lagrène & Friends, Live jazz à Vienne

C’est vrai, ô lecteur, que j’ai tendance à m’enthousiasmer. Mais ce n’est peut-être qu’illusion ; car lorsque je ne m’enthousiasme pas, je le garde pour moi. Ce préambule étant posé, je vais te faire part de mon emballement, de mon débordement de joie, à la vue et à l’écoute – car là réside le nec plus ultra du DVD – d’une petite merveille – tu vois que je n’hésite pas dans le choix du mot – de guitares live sous la houlette de Biréli Lagrène. « Live jazz à Vienne » que ça s’appelle.

Bien sûr, il faut que tu sois sensible aux instruments à cordes – guitare, contrebasse, violon – , ça je ne te le cacherai pas, ainsi qu’ au jazz, au style manouche également. Si tu te sens prêt à franchir le pas, alors… fonce !

D’entrée de jeu, tu te demandes comment on peut maîtriser des instruments de telle manière. Le spectacle est en deux parties. Pour la première, Bireli est soutenu d’un violoniste, de deux guitares rythmiques et d,une contrebasse. Soutenu ? Que dis-je ? Emporté oui. Par la fougue, la joie de jouer, la force d’une extraordinaire complicité sur scène. Florin Niculescu au violon ! Pour moi, une découverte, je te l’avoue. Mais les bras m’en sont tombés ; me voilà le souffle coupé. Epoustouflant ! Treize morceaux pour ce premier volet où violon et guitare se répondent dans un véritable feu d’artifice de notes, d’imagination et de rire. Car les musiciens s’amusent, débordent de joie.Leur maîtrise de l’instrument est telle qu’ils peuvent se lâcher sans perdre le fil, partir vers les méandres inexplorés de l’improvisation sans se perdre. Thomas Dutronc – le fils, eh oui ! – et Hono Winterstein assurent une rythmique sans faille, en compagnie d’un contrebassiste tout aussi dynamique, Diego Imbert. Et Biréli ! Comment peut-on jouer ainsi sans se répéter ? Les phrasés sont chaque fois différents. Les doigts de l’artiste t’emportent vers ce qui te paraissait inaccessible dans la fraction de seconde qui précède la note. Précision, fougue, mais aussi sens de ce qui est juste, de ce qui convient à l’instant précis, et feeling constant, partage avec les autres musiciens et bien sûr – le spectacle est en plein air – avec le public ravi. Et tu te surprends à éclater de rire. Non, un talent pareil, ça n’est pas possible.

Le spectacle est terminé ? Mais non, c’était la première partie. Car pour la seconde, les invités se succèdent. Biréli Lagrène & friends ! Et quels amis! Avec leur âme, leur talent, leur couleur musicale propre, dans la même joie de l’échange. La succession est endiablée ; tu te laisses emporter, conquis, dans une joie inextinguible de découverte et de surprises musicales. Martin Weiss, au violon – tiens, un gaucher, ce n’est pas fréquent avec cet instrument ; je ne dis pas le dialogue avec Florin Niculescu, un régal – Dorado Schmitt, Samson Schmitt et Sylvain Luc. Tu le connais n’est-ce pas, ce Sylvain ? Si d’aventure ce n’était pas le cas, précipite-toi à un de ses spectacles si tu le vois à l’affiche, procure-toi un de ses CD, car lui aussi a un talent fou. Biréli Lagrène et Sylvain Luc, un duo déjà mythique. D’ailleurs, dès la première note, tu sens que quelque chose se passe encore, dans la sensibilité de la note, la résonance de la guitare. Superbe ! Et puis il y a le jeune David Reinhardt – si solide déjà dans l’accompagnement – et Stochelo Rosenberg (je t’ai déjà parlé du trio Rosenberg, je crois), encore un autre guitariste impressionnant. Et Tchavolo Schmitt, Angelo Debarre (mais ils sont tous venus, vas-tu t’exclamer), Serge Krieff, Richard Chiche. Et, cerise sur le gâteau, Richard Galliano à l’accordéon. Tout ce petit monde prend sa place, se succède, permute et se retrouve bien sûr au trente-deuxième morceau du spectacle pour un swing qui n’est pas mineur, je dois te dire. Et le comble c’est que dans ton fauteuil – n’oublie pas que c’est un DVD – tu en redemandes comme le public qui était avec toi et dont tu fais partie depuis… trois heures ! Tiens…, la nuit est tombée…

Henri Lafitte, Chroniques musicales
4 avril 2004

Biréli Lagrène and Friends, « Live jazz à Vienne » DVD Vdéo – Dreyfus Jazz – 2004