Chronique du 18 avril 2004 (2)

Douze ans après son adoption, la loi de 1992 qui organise le traitement des ordures en France n’est toujours pas appliquée. » Tu as bien lu, ô lecteur sagace : « en France », et pas seulement à Saint-Pierre et Miquelon où l’incinérateur a pris le pas sur nos troubles convulsifs de l’hiver pour mieux nous torturer à l’amorce du printemps. Car je viens de te citer un extrait du Nouvel Observateur dans son édition du 15 au 21 avril 2004.

C’est te dire si tout à coup on se sent moins seul.

« La guerre des incinérateurs » titre l’hebdomadaire, sans se douter de nos émois insulaires. « Non à l’incinérateur » peut-on lire à l’entrée de Ballan-Miré, près de Tours, là où Charles Martel a arrêté qui tu sais en 732 – souviens-toi, leur chef s’appelait Abd-al-Rahman-ibn-abdallah-al-khafiqui, -, mais pas à Poitiers comme tu l’as appris à l’école – l’on y ingurgite aussi des choses fausses -, preuve que rien n’est simple quand on veut se faire une opinion.

Car la peur ne se dissipe pas, même lorsque les incinérateurs en question sont décrétés aux normes. « Il faut reconnaître que le sujet est délicat, lit-on dans le Nouvel Obs. Ils n’ont pas toujours été blancs bleus, les 1123 incinérateurs dans lesquels nous brûlons nos rebuts. On a fait n’importe quoi par le passé. » Alors, « les décharges débordent », à Marseille comme ailleurs et Saint-Pierre n’échappe pas à ce dur constat de notre société de consommation.

« L’OCDE prévoit que nos poubelles vont grossir de 40 à 45% dans les vingt ans », lit-on encore, comme si cela ne suffisait pas. Il serait donc urgent de consommer moins, ou différemment. Pourquoi par exemple ne pas ressortir les bons vieux sacs à provisions avec une place pour un litron à chaque extrémité, histoire d’économiser un peu sur le plastoc ?

Les études sur le sujet laissent beaucoup de zones d’ombre ; normal,, me diras-tu, vu l’épaisseur des fumées. « On est dans le noir », conclut le journal. On s’en doute, surtout quand les vents tournent, car nous en savons quelque chose. De quoi empoisonner la vie de tout celui qui voudrait enfin savoir pour mieux comprendre afin de respirer.

Ils commencent à nous faire chier avec toutes ces histoires. Et ça ne contribue pas à nous rassurer, crois-moi, vu les tonnes de merde qui ne font que s’amplifier avec une humanité qui prolifère.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
17 avril 2004